ART to take

Présentation / La très belle exposition de photographies au Musée de Grenoble intitulée “L'Artothèque de Grenoble a 30 ans, un choix de photographies”, valorise une partie de la collection de l'Artothèque et fait parler d'elle, à bon escient. Séverine Delrieu


Une énigmatique mise en scène du photographe Bernard Faucon posée sur son bureau. Un panoramique épuré de New York, réalisé par Raymond Depardon dans son couloir. Un autoportrait flou du jeune photographe portugais Jorge Molder. Ou un cliché de Boubat vu à mille reprises sur carte postale, mais là l'original serait accroché dans la buanderie. Le rêve devient réalité : avoir une œuvre d'art chez soi n'est plus l'apanage des nantis. Certes, il faudra en faire son deuil au bout de trois mois, mais tout de même, vous aurez momentanément vécu entouré d'un cliché de William Klein ou d'un Dieter Appelt. Rien de plus simple pour accéder à ce rêve. Procurez-vous (si ce n'est déjà fait) une carte d'abonné au réseau des bibliothèques de Grenoble. Cheminer jusqu'à la Bibliothèque Kateb-Yacine à Grand'Place qui abrite la fameuse Artothèque. Là, embarras du choix : parmi les 1950 œuvres appartenant à la collection dont 1300 estampes, une cinquantaine de dessins, et 660 photographies, il faudra choisir votre favorite, celle que vous emprunterez - comme un livre -, sans surcoût particulier. Cette démarche semble un brin incroyable - c'est trop facile, vous dites-vous -, mais non, c'est vrai. D'ailleurs, souhaitons qu'en fêtant ses 30 années d'existence par une exposition très réussie, souhaitons donc, que le public ait envie à travers cette magnifique partie immergée de l'iceberg, d'en découvrir plus, vers Grand'Place. Un peu de sérieux et d'histoirePuisque au fond, l'objectif des artothèques est d'élargir le public de l'Art Contemporain via ce système de prêt, on ne peut que trouver cette entreprise fort louable. Ainsi, le monde de l'art tend à se rapprocher de la vie quotidienne, permettant d'instaurer un nouveau rapport, où chacun peut construire ses propre repères avec l'art. Ce principe de prêt fut initié d'abord en Allemagne en 1914 par l'artiste dadaïste Arthur Segal. L'artiste berlinois voyait en la location d'œuvres un moyen de relancer le marché de l'Art. L'idée s'implante ensuite dans les pays du Nord. En France, c'est le directeur de la Maison de la Culture du Havre qui innove cette idée au début des années soixante. Cette initiative se place dans un contexte politique de reconnaissance de la culture, où s'affirme la volonté de rendre celle-ci accessible à un large public. À Grenoble, l'idée sera reprise en 68. En 81, les Maisons de la Culture se recentrent sur le “Spectacle Vivant”. La collection grenobloise se voit du coup déménagée et gérée par La Bibliothèque Municipale. «Quand je suis arrivée, explique Michèle Dollman, bibliothécaire en charge de l'artothèque depuis 82, il y avait a peu près 600 œuvres et une série de 13 photos de Doisneau». Tout est parti de là. Aujourd'hui, l'Artothéque de Grenoble est la première en France établie en bibliothèque ; elle est aussi la plus ancienne en fonctionnement. Le fonds, sous les bons auspices de Michèle Dollman, s'est largement enrichi, et fut surtout recentré sur la photographie : que ce soit par l'achat d'œuvres ou par la politique d'expositions de photographes contemporains.


<< article précédent
BRÈVES