Les malades imaginaires

Théâtre / Le Centre Dramatique National des Alpes s'empare de l'ultime pièce de Copi, Une Visite Inopportune. Laurent Pelly jubile tandis que le public découvre un texte mordant et horriblement mélancolique. FC


Une Visite Inopportune est une farce superbement grotesque, où les pires mesquineries se hurlent avec une drôle de méchanceté au rythme des claquements de portes. Le dernier projet théâtral de son auteur, qui abordait ici la mort en face avec cynisme avant de l'accueillir à contrecœur. Sur scène, l'espace se fond dans une chambre d'hôpital surdimensionnée, aux murs fatalement mouvants. Sur le lit, Cyrille, acteur de théâtre mourant du sida, jouissant en permanence de son caractère imbuvable sur ses infortunés visiteurs, interprété par le paroxystique Jean-Claude Durand. Cyrille fait son dernier tour de piste, pour les spectateurs les plus improbables qui soit (un très vieux garçon énamouré, un journaliste silencieux, une infirmière opiomane-friendly, une cantatrice en plein «veuvage nerveux», et enfin un professeur affamé traumatisé par les tricycles). Il en fait des tonnes dans l'abject, dans le jeu de l'attraction / répulsion avec orgueil et passion. Pour camper le pivot de cette comédie macabre, le comédien adopte un jeu volontiers outrancier, sur la corde raide du “ça passe ou ça casse“, qui se délite néanmoins au fil des tableaux, et du rapprochement de l'échéance sans cesse reculée.

N'oublie pas que tu vas mourir

Ne pas cependant s'arrêter à cet élément, afin d'apprécier au mieux une œuvre qui ne fait pas du tout ses vingt ans, qui rue dans les brancards avec le souci de précision chirurgicale dans l'écriture comme arme principale. La scénographie nous enferme avec les protagonistes, sans qu'on perçoive vraiment les tenants et aboutissants de leurs gesticulations effrénées. Les répliques fusent, les piques volent, les portes claquent, les acteurs s'en donnent à cœur joie. On demeure circonspect devant ces élucubrations, attendant que leur folie explose. On s'amuse à reconnaître les touches de Laurent Pelly, via les décors mouvants et autres clins d'œil à l'opéra, puis on en vient à se laisser entraîner par un rythme assuré crescendo par la plume acide de Copi. L'auteur nous joue ici, comme un formidable pied de nez, une variation majeure sur le thème éculé de l'ultime tour de piste. Comme menacé par le temps, Une Visite Inopportune accélère les événements après les avoir orienté du côté de l'absurde. Dans la présente adaptation, la scène se débarrasse pour laisser place nette à un finale d'une tendresse bouleversante - avant de laisser le grotesque regagner ses droits. Les jeux des deux comédiens principaux (Durand et Pierre Aussedat) perdent en hargne ce qu'il prennent en intensité. Ce Copi mis en scène par le CDNA dépasse alors le stade de la fantaisie pour s'élever vers des hauteurs supérieures.

Une visite inopportune

Jusqu'au 2 février, au Grand Théâtre de la MC2


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