Le blues du saurien


Musique / Pour son escale grenobloise, le festival de blues Les Nuits de l'Alligator a dégotté deux groupes des plus passionnants, qui chacun à leur manière, font résonner ce style ancestral dans toute sa modernité. Trio suisse aussi déjanté qu'érudit, Hell's Kitchen, qui tire son nom évocateur du mythique quartier populaire new-yorkais, a visiblement bien assimilé l'importance d'un son rugueux et brut de décoffrage, et l'art de tirer toute sa musicalité d'une apparente cacophonie sonore. Pour le reste, le groupe n'en fait qu'à sa tête (ne cite-t-il pas Motörhead et Black Sabbath parmi ses principales influences ?), expérimente à tout va en termes d'instruments et de rythmiques, et fait prévaloir l'âme du blues sur le folklore qui l'entoure, démarche à laquelle on ne peut évidemment qu'adhérer. Incarnée, chaotique et paradoxalement ultra-mélodique par moments, la musique du groupe se tient en tout cas à l'écart des poses arty expérimentales qui ont fait le succès de celle de nombre de ses contemporains, tendant à rendre Hell's Kitchen définitivement attachants. Autres grands allumés devant l'éternel, le duo canadien Hank Pine & Lily Fawn est né dans un premier temps sous la forme d'un comics alternatif aux couvertures somptueuses, dans laquelle nos deux protagonistes incarnent des personnages de freaks errant sans fin dans les bayous de la Nouvelle Orléans. Hank est un homme mystérieux caché derrière un masque métallique, qui traîne dans un sac en plastique le cadavre de sa fiancée, et Lily une créature de la forêt à mi-chemin de la femme et du cerf. Sur scène, leur univers prend la forme d'un cabaret musical punk-blues déjanté, sur laquelle plane en arrière-fond toute l'âme des musiques noires du Sud des Etats-Unis. Un double-concert définitivement recommandé. DGLes Nuits de l'Alligator le 6 février, au Ciel


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