Faire (le) corps


Danse / Le lumière découvre un dos étroit. L'épaule se dessine, puis son prolongement infini : un bras féminin musclé devient torsades ou reliefs. La lumière découpe, focalise sur une partie de l'anatomie. L'omoplate se déboîte. Ses muscles dansent lentement comme indépendants du reste du corps ; mais sont pourtant habités de l'intérieur. Ainsi, Two, solo écrit par le novateur chorégraphe anglais Russell Maliphant - et déjà présenté en 2005 à La Rampe -, étourdit, hypnotise dès ses premières images. Par la précision du geste. L'énergie. Le flot continu de mouvements modifiant la présence du corps dans l'espace restreint. D'abord corps lentement démembré par l'éclairage ; puis, dans un accelerando, le corps (presque effacé) est ciselé en faisceaux lumineux ; enfin, l'enchaînement de mouvements rapides (tendusarrondis, lignes droitescourbes) transforme la corps en incarnation de la beauté sur podium. Écrit dans un langage chorégraphique hétéroclite - mêlant multiples influences venues des quatre coins du monde - Two repose sur l'ambivalence des expériences sensorielles et émotionnelles. En effet, l'alchimie exceptionnelle entre lumière, musique et gestuelle, permet la multiplicité des regards posés sur le mouvement. Ainsi, alors que la danseuse du Ballet de Lorraine évolue dans un carré de lumière, son immobilité ouvre pourtant l'espace : son corps littéralement sculpté par la lumière, sculpte l'espace en ricochet. Two (14 minutes d'ensorcellement), est précédé par White Feeling du jeune chorégraphe portugais Paolo Ribeiro, créé en 2006 pour 10 danseurs. Des hommes vêtus de noir proposent des figures de groupe qui se veulent amusantes : araignées, formes reconnaissables ou non, scènes décalées s'enchaînent sans magie. Enfin, La Divine Comédie de Joëlle Bouvier, viendra clore ce programme ambitieux dansé par le Ballet de Lorraine. Si les tableaux vivants et foisonnants (25 danseurs) retiennent l'attention par la beauté des assemblages fixes (les danseurs sublimés par des lumières magnifiques), on regrettera que la proposition soit un peu trop illustrative, en raison d'une absence de vision sur le récit de Dante. Séverine Delrieu Le Ballet de Lorraine le 19 janvier à 20h, à La Rampe


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Déflagration électronique