Piqûres de rappel


On réduit trop facilement Vincent Delerm à sa caricature. Poète agaçant et répétitif à la voix geignarde, idole des bobos parisiens, rejeton d'intello rive gauche… Le pastiche a fini par prendre le pas sur le chanteur. À l'occasion de sa tournée et de son dernier album, Les Piqûres d'araignée, chacun pourra remettre les pendules à l'heure et (re)découvrir un chanteur pouvant se montrer délicat et inventif. Accompagné de quatre musiciens, Delerm explore son habituel univers tendre et intimiste. Petites histoires sentimentales, nostalgiques ou cocasses : le répertoire ne varie pas énormément mais l'artiste l'accompagne d'une ironie bienvenue, jouant avec le public et ses musiciens, sortant de son rôle de chanteur pour interpréter le rôle d'un gentil gaffeur lunaire et un peu loser et prendre une certaine distance avec la star qu'il est devenu. Musicalement, Delerm s'est fait plus affûté, sa voix traîne moins. Débarrassé de ses scories de bobo geignard, le chanteur donne sa mesure dans de superbes morceaux limpides et cristallins comme Voici la ville, qui laissent voir en lui le potentiel d'un Divine Comedy à la française. Malheureusement, le souffle de l'inspiration retombe parfois et se profile à nouveau le risque de la répétition : certaines chansons se ressemblent à tel point que l'on pourrait les mixer l'une avec l'autre sans surprendre vraiment l'auditoire. Fort heureusement, Delerm lui-même possède une présence scénique suffisamment attachante pour faire oublier ses défauts résiduels et crée parfois avec les spectateurs une communion idéalement en phase avec la douce nostalgie émanant de ses meilleures chansons. La grâce du spectacle trouve son apogée dans le duo avec le chanteur suédois Peter Von Poehl, dont la voix blanche et fragile crée avec celle de Delerm une délicate union de feu et d'eau. Le fils de l'auteur de La Première gorgée de bière n'est peut-être pas totalement arrivé à maturité, mais il pourrait bien devenir prochainement un très bon cru. Benjamin d'Alguerre

Vincent Delerm, le 29 mars à 20h, au Grand Angle (Voiron)


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La beauté et le corbeau