La vie aquatique


Bill Viola / Cette année, le Lieu d'Images et d'Art consolide son assise sommitale dans la programmation du Mois Américain, en proposant l'œuvre matricielle d'un artiste vidéaste américain majeur. Condenser la carrière de Bill Viola dans ce petit espace relève de l'impossible gageure. On se contentera donc d'évoquer la multiplicité de ses influences (due à ses nombreuses pérégrinations autour du globe), le large spectre de ses explorations (des religions à l'actualité en passant par l'autobiographie), ou la richesse et l'éclectisme de ses collaborations (rien que dans la sphère musicale, il a récemment fait le grand écart culturel en fournissant des installations vidéo pour la tournée du mythique groupe indus Nine Inch Nails en 1998, puis pour l'opéra Tristan und Isolde mis en scène par Peter Sellars en 2004). Réalisé en 1991, The Passing se fait le reflet le plus sincère de moult pistes explorées dans ses travaux, et se voit affublé du même coup de l'étiquette de chef-d'œuvre de son auteur. La genèse de ce long trip immersif (un peu moins d'une heure) se situe autour de deux événements phares ponctuant alors la vie de Bill Viola : la naissance de son fils et la lente agonie de sa mère (à qui le film est dédié). Comme redoutée, l'impudeur émotionnelle envahit l'écran et renvoie le spectateur à ses propres expériences traumatiques en la matière. Mais la pertinence ne s'arrête pas là. Viola use d'un grain noir et blanc autorisant de nombreuses digressions oniriques (les séquences aquatiques et les plans de natures désolées, striés de flashs de lumière provenant des phares des voitures), perdant le public dans des zones d'ombre non identifiables. D'autant que la subjectivité n'a de cesse d'être questionnée : la caméra change sans arrêt de perspective, est tour à tour une partie intégrante du corps de l'artiste, puis une excroissance externe qui sonde son sommeil troublé, et déforme la texture sonore pour générer une atmosphère des plus oppressantes. Autant le préciser, la pleine appréciation de l'œuvre demande un abandon total du public – à ce titre, la “salle de projection“ du LIA, excavation étroite et assez étouffante (on ne se risquera pas à la métaphore morphologique !), constitue en l'occurrence le réceptacle idéal pour la vision du film… FCThe passingJusqu'au 17 décembre, tlj de 11h à 18h, sauf vendredi et samedi de 11h à 19h, au LIA“Une question de vie ou de mort. Réflexions sur The Passing de Bill Viola“, conférence de Sophie-Isabelle Dufourle 1er décembre à 20h30, à l'Auditorium du Musée de Grenoble


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Born to be wild