Cachées

Reportage / L'Amicale du Nid, association qui va à la rencontre de personnes en situation de prostitution, constate des difficultés pour mener à bien leur travail depuis la loi promulguée en mars 2003 par Sarkozy réprimant le racolage passif. SD


Située place Gustave Rivet, dans un appartement accueillant, l'association qui a soixante ans cette année travaille en milieu ouvert. Ce qui signifie que toutes les trois semaines, Geneviève Dray Collonge éducatrice, et Isabelle Mauduit infirmière à mi-temps, partent le soir en voiture sur les lieux de prostitution grenoblois. «Nous démarrons à 21h30 jusqu'à 1h du matin. C'est l'horaire de base», précise Geneviève. Car plus fréquemment, l'éducatrice et l'infirmière restent beaucoup plus tard. «Les personnes en situation de prostitution doivent se faire plus discrètes depuis la loi sur le racolage passif, donc elles arrivent tardivement», reprend Geneviève. Déjà dans des situations précaires de toutes sortes, les personnes en situation de prostitution «ne veulent surtout pas se faire repérer». Il est donc difficile de les localiser et donc de les rencontrer : moins visible, la prostitution n'a pas pour autant diminué. Même si depuis 2002, on note «une prostitution visible de personnes africaines» dans certains quartiers, «il est très difficile de préciser le nombre de personnes prostituées, car d'autres exercent dans des studios». Le travail de l'association s'en trouve compliqué : il est plus délicat d'établir un contact avec les personnes «afin de faire connaître l'association, de donner des préservatifs dans le cadre du VIH et des IST (infections sexuellement transmissibles) et surtout d'offrir un espace de parole». En résumé, tenter de faire venir un monde autre dans l'univers parallèle et délétère de la prostitution. «Mais, par respect, ajoute Geneviève, nous ne restons jamais longtemps à discuter sur le "territoire" des personnes rencontrées. Nous savons que le client tourne et qu'elles sont là pour gagner de l'argent». Regler le problème à l'enversMême si «les sorties régulières sur les lieux» créent un lien, «pour que les personnes viennent à l'association parler, être aidées, accompagnées, être écoutées, il faut un déclic» poursuit Geneviève. Le déclic, c'est souvent un gros problème juridique, de violence, de maladie... «Nous devons répondre à beaucoup de problèmes divers», rapporte Marie-Françoise Dupont, chef du service et éducatrice. Mais quand elles font le pas de venir dans les locaux, l'espoir d'une insertion est possible. «Leur vie est un puzzle, nous les aidons à le reconstituer. Elles redeviennent actrices de leur vie», explique Geneviève. Car, comme dans toute problématique - la prostitution est un problème et non un métier -, il est possible de se sortir. Alors pourquoi au lieu de pénaliser et de punir (3750 euros d'amende et 2 mois de prison), l'État n'essaie t-il pas d'aider les personnes en situation de prostitution mais aussi les clients pour que chacun se sorte de cet esclavage immémorial ? Pourquoi ne pas dès l'école éduquer contre les comportements sexistes (ce que l'association fait en lycée), prévenir les personnes à risques de prostitutions, parler de sexualité pour qu'elle ne soit plus un acte, mais une relation ?


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Pas de bras, pas de beaujolais