Une journée... particulière
publié dans Cinéma par le Mercredi 1 novembre 2006
DVD / Si l'on connaît (du moins en partie !) l'imposante carrière de Jean-Louis Trintignant en tant que comédien, ses tentatives derrière la caméra sont moins au goût du jour. Petit rattrapage avec Une Journée Bien Remplie, sorti récemment en DVD. FC
S'il est un mystère prégnant dans la prolifique carrière de Jean-Louis Trintignant, c'est l'abandon de la mise en scène cinématographique. Son deuxième long (Le Maître-Nageur) reste invisible par nos services, mais la maîtrise incroyable de son premier essai nous pousse à l'interrogation (hélas sans réponse)... Le scénario est assez simplissime (on ne trahira pas les ressorts d'une intrigue bâtie en grande partie sur les abstractions de la mise en scène) : un boulanger (grandiose Jacques Dufilho) part en side-car avec sa mère tuer un par un les jurés qui ont hâtivement condamné son fils à mort. Ne vous y trompez pas : si l'ensemble du film est baigné d'une irrésistible misanthropie, le ton n'est pas à la légitimation de l'auto-défense, mais bien à un exercice de style au formalisme et aux thématiques proches du surréalisme.Le grand silenceL'année précédant le tournage de ce film, Jean-Louis Trintignant interprète le premier rôle du déjà très barré La Course du Lièvre à Travers Les Champs, l'avant-dernier film d'un René Clément en plein questionnement artistique. Un film loufoque et culte à souhait, mariant polar, comédie et western assaisonné à la sauce francophone. La filiation de cet opus barré au premier long de Trintignant est plus que tentante : on y retrouve la même folie, la même abstraction dans la caractérisation de personnages d'outsiders transfigurés en porte-flingues à la causticité meurtrière. Mais là où René Clément basait une partie subséquente de ce décalage dans des dialogues venus d'une autre planète, Jean-Louis Trintignant prend le parti osé de livrer une œuvre presque mutique, où l'irruption de la parole met en exergue le grotesque des situations. Dans un superbe cinémascope, cette ballade dispense son caractère jubilatoire par une mise en scène dûment maîtrisée, par des images en appelant au non-sens britannique et aux surréalismes de toutes origines, tout en affirmant la singularité de son auteur. Une Journée bien RemplieDe Jean-Louis Trintignant (1972, Fr, 1h27) avec Jacques Dufilho, Luce Marquand…(Wild Side)