Vague à l'âme


parcours / Tsunami, installation monumentale de Kader Attia, occupe presque tout l'espace de la "rue" au Magasin, et coupe le souffle par les sentiments et sensations contradictoires qu'elle suscite. L'œuvre colossale (15 m de haut et 70 mètres de long), est une vague d'acier réalisée avec de la tôle, ce même matériau que l'on utilise pour les toits des bidonvilles. Cette vague à la fois menaçante mais aussi attirante par l'"espace de jeu" qu'elle offre, nous fige cependant par son ambiguïté et les questions qu'elle déclenche. Reste que pour chaque spectateur, l'expérience sensorielle et intellectuelle diffère. Pour Kader Attia, jeune artiste de 36 ans, cette installation au Magasin est une sorte de consécration. Effectivement, c'est sa première exposition monographique réalisée avec le Musée d'Art contemporain de Lyon - où il avait présenté, entre autres cet été Frigdes (paysage de banlieue réalisé à partir de frigidaires hors-d'usage), Moucharabieh (arabesques composées avec des menottes). Consécration qui s'avère largement méritée. Son travail questionne, remue, émeut, fait œuvre de thérapie collective. Car ses propositions artistiques, installations grandioses, puisent leurs forces et impacts dans les dérives de notre monde contemporain. Elles interrogent sur les rapports complexes entre Occident et Orient, sur les conflits entre religion et société de consommation, sur les problèmes identitaires. Toutes s'avèrent néanmoins imprégnées du vécu de l'artiste (ses parents originaires d'Algérie se sont installés à Sarcelles où il a grandi), dans une tentative de se comprendre et de se réconcilier. Kader Attia reste cependant un observateur critique de notre société malade, conservant sa juste colère. Depuis la fin de ses études en 98, tout a été très vite pour lui. En 2000, il présente La Piste d'atterrissage, diaporama sur les transsexuels parisiens qui le fait connaître. Puis, le faux magasin Hallal (2004) à St-Germain-des-près, attire les médias ; à la Biennale de Lyon (2005) Flying Rats (dans une immense cage en fer des sculptures d'enfants grandeurs natures réalisés avec du grain se font dévorer par une centaine de pigeons vivants) fait grand bruit ; en 2006 il participe à Notre Histoire au Palais de Tokyo avec Arabesques (composition moderniste réalisée avec des matraques). À présent, une première exposition personnelle entre le Musée d'Art contemporain de Lyon et le Magasin prouve que son travail tour à tour angoissant, violent, drôle et toujours poétique, fait grosse impression. SD


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Le monde selon Johnny