Étudiants expulsables

non grata / Déjà loin d'être enviable, la situation de l'étudiant étranger empirerait-elle avec les nouvelles lois sur l'immigration ? Et quelles sont les implications des récentes dispositions relatives à l'immigration adoptées le 30 juin 2006 par l'Assemblée et le Sénat, dans les démarches - déjà bien kafkaïennes – des étudiants étrangers ? Séverine Delrieu


Pour Damien Nantes du Cimade (association de défense des droits des étrangers), «dans la nouvelle loi, les conditions ne sont pas forcément beaucoup plus restrictives, mais globalement, on est sur une pente de loi de verrouillage qui rend de plus en plus difficile les conditions d'accès». Une loi où plus rien n'est laissé au hasard : «des précisions qui dépendaient auparavant des décrets sont maintenant inscrites dans la loi : ils ont défini dans quels cas ils accordaient la carte de séjour». Car évidemment, la principale difficulté est pour les étudiants d'obtenir un visa de long séjour (supérieur à 3 mois) auprès du Consulat du pays d'origine. Pour y parvenir cela implique «une justification d'inscription dans l'enseignement supérieur en France, des conditions de ressources suffisantes, sans compter la multitude d'obstacles administratifs». Une fois en France, le renouvellement de la carte de séjour est «lié au renouvellement de l'inscription à l'université - autant dire qu'il faut réussir tous les examens. Il faut prouver que l'étranger a été assidu aux examens, aux TDs. En cas de redoublement, la carte de séjour peut ne pas être renouvelée». Se justifier pour étudierEt là, après ce contrôle strict, des étudiants peuvent être expulsés, «il y en a régulièrement : beaucoup d'étudiants étrangers ne parviennent pas à régulariser leurs situations». Idem pour les étudiants qui changent de cursus, «quand c'est un étudiant français pas de problème mais si c'est un étranger c'est plus compliqué. On considère qu'il n'a pas réussi son année». Dans ce cas là aussi, la carte de séjour n'est pas renouvelée. Globalement, l'étudiant étranger doit justifier de la cohérence de son projet d'étude dès qu'une modification dans son cursus se profile. Osman, de nationalité Djiboutienne, arrivé en France en 99 pour suivre des études d'économie confirme «qu'il faut éviter l'échec et avoir assez des ressources pour ne pas subir les menaces de la préfecture». Justement, pour beaucoup d'étudiants étrangers - comme français d'ailleurs -, se pose le problème des ressources : la précarité est souvent le lot commun et le travail (même au noir) en plus des études, l'unique solution. «Avant, un étudiant étranger pouvait travailler 16 heures par semaine, s'il travaillait plus, on lui retirait sa carte de séjour. Depuis le 30 juin c'est 60% du temps annuel : maintenant c'est dans la loi», explique Damien Nantes. L'idéal étant d'être un élève boursier soit du gouvernement français, «mais j'avoue que c'est assez rare» souligne Damien Nantes, ou du pays d'origine, ce qui était le cas d'Osman à son arrivée en France. Souvent, «ces étudiants en situation de précarité vont avoir plus de mal à réussir leurs années», reprend Damien Nantes, ce qui rime une nouvelle fois avec expulsion. Cercles VicieuxOn le constate, en plus de ces problèmes de conditions de' études, de précarité dûe à la limitation du droit au travail, co-existent d'autres situations aberrantes liées au renouvellement de durée de carte : «par exemple si une Université délivre la carte d'étudiant un peu plus tard que les autres, la personne qui doit faire renouveler sa carte de séjour à la préfecture ne le pourra pas car elle n'aura pas encore sa carte d'étudiant ou la nouvelle attestation». Des situations surréalistes se mordant la queue et qui débouchent sur une perte considérable de temps : ces étudiants tentent de les résoudre auprès des différentes administrations aux prix de moult explications. «C'est vrai que le temps passé à la préfecture est souvent très long. Sans compter que certaines personnes du personnel sont vraiment antipathiques», rapporte Osman qui doit faire renouveler sa carte de séjour avant le 31 novembre. Même si malgré tout, il est encore un peu tôt pour constater l'étendue des dégâts, Catherine Dubey, docteur au Centre de Santé qui reçoit tous les nouveaux étudiants étrangers arrivés sur le Campus, préfère «attendre la fin de l'année civile 2007 pour donner ses conclusions», d'ores et déjà, différentes associations ont compris l'urgence de réfléchir et de s'interroger sur l'accueil des étudiants étrangers après ces nouvelles. Une Conférence-débat, France, Terre d'accueil ? au sous-titre fort judicieux de Nouvelles Lois ! Nouveaux combats ! aura lieu le 25 octobre à 20h dans les locaux de EVE en présence de Clémentine Frances, avocate, Nicolas Chamot de l'AJE (aide juridique étudiante), de Damien Nantes (CIMADE) et de divers témoignages de personnes concernées afin d'anticiper et de réagir à une attitude de fermeture stérile.


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