«La société française a intégré l'art»

interview / Après un an de fermeture pour travaux, une réouverture festive et une belle exposition vidéo, Le Magasin, espace dévolu aux artistes vivants, rencontre son public de par chez nous, et rayonne toujours plus loin. Propos recueillis par SD


Quel bilan faites-vous après ces six mois ?Yves Aupetitalot : D'abord, depuis que le bâtiment est rénové, on ne se pose plus de questions sur lui, on en jouit pleinement et les visiteurs en sont curieux. De plus, pendant toute l'année de fermeture, on a lancé des actions pour montrer ce qu'était le Magasin ; on a fait des collaborations avec le Musée Géo-Charles, la Fnac, le Musée Dauphinois ; on a aussi noué des liens très forts avec l'union de quartier. Et cela a porté ses fruits : mon objectif était que les grenoblois puissent s'approprier le bâtiment-d'ailleurs quand je disais cela ceux qui m'écoutaient pensaient que c'était un discours institutionnel- et pourtant le jour de la réouverture, on a vu que ce n'était pas de la langue de bois, car on y a vu beaucoup de monde. Cela veut dire que c'est une institution qui fait partie de la ville et dont la plus grande partie du public est grenobloise, iséroise et rhônes-alpine. Le Magasin est plus visible. Les gens l'ont plus dans la tête qu'autrefois. D'autre part, on a mis en place un certain nombre de choses qu'on va pérenniser : la journée portes ouvertes, le travail en direction des scolaires. Ce sont des micros mesures, ce n'est pas révolutionnaire, mais quand vous les ajoutez les unes aux autres, cela donne une plus grande ouverture.D'ailleurs l'expo Vidéos et Films a été très bien reçue.En terme de fréquentation, elle a très bien marché. Du journaliste parisien, à la presse "dite" locale, aux visiteurs, on a entendu la même chose : "on est venu en traînant les pieds car la vidéo c'est chiant, on en est ressorti enthousiaste". C'était effectivement un grand moment. Même l'exposition d'ouverture a permis aux grenoblois de découvrir des choses sur leur ville. Dans un journal américain très sérieux Art in America, ils ont consacré 5 pages à cette expo et à Grenoble. C'est touchant parce que dans cette revue on voit la Villeneuve à côté d'un article sur Gauguin. Prochainement Kadder Attia et Jonhatan Meese, un événement ?Oui. Parce que Kadder est un artiste assez exemplaire du renouvellement de la scène artistique française. Il est issu de l'immigration et est représentatif d'un changement de la composition sociale de la scène artistique. Ensuite, il fait un travail passionnant, ce qui lui vaut une carrière étonnante. C'est quelqu'un qui parle de la société contemporaine et dit des choses tabous. Meese, c'est la nouvelle scène artistique allemande. C'est un personnage dans le sens où il ne cesse de citer sa mère, elle est présente pour les montages d'expositions. Il puise dans la peinture, il utilise des personnages démesurés de l'histoire : c'est l'artiste démiurge. Il est aussi un musicien. On verra dans l'expo une pièce présentée dans l'Auditorium : dans un décor d'un spectacle présenté en Avignon, Kocaïne, sorte de grande plate-forme/sculpture, les gens se proméneront au milieu de vidéos, musiques. Une sorte d'Art Total. Je dois dire que ce qui nous porte au Magasin, c'est l'irruption de plus en plus forte de l'art dans le champ de la culture. La société française a intégré l'art.


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