Punks et vidéos

Expos / Après un redémarrage en douceur, le Magasin met les bouchées doubles ce mois-ci avec deux nouvelles expositions éminemment recommandables, Review et Replay. Damien Grimbert


Composée exclusivement d'œuvres vidéos issues de l'imposante collection du galeriste suisse Pierre Huber, Review se propose par ce biais de mettre en valeur tout un pan de la création contemporaine encore trop souvent mésestimé. Avec l'intention d'éviter au spectateur une saturation rétinienne propre à l'oubli instantané, seules une vingtaine d'œuvres trouvent ici droit de cité, échantillon largement suffisant au vu de l'intensité de la plupart d'entre-elles. Une intensité qui doit beaucoup à l'agencement appliqué dont bénéficie chacune des œuvres, ici restituées dans les conditions précises recommandées par leurs géniteurs : dimension de la salle, type et taille d'écran(s), positionnement, rendu du son… Un souci du détail qui s'avère effectivement payant, et met judicieusement en valeur des œuvres des plus diversifiées. Karaoké multi-dimensionnel étrangement oppressant pour Candice Breitz, kaléidoscope d'écrans à l'attraction pop hypnotique pour Nam June Paik, forte influence du cinéma pour Rodney Graham, les styles sont hétéroclites et facilitent ainsi l'accès au néophyte. Parmi les créations les plus marquantes, on retiendra notamment Strange Fire, de Sylvie Fleury, piétinement consciencieux en escarpins «bannière étoilée» d'un parterre de boules de Noël, perturbé par une bande-son bruitiste en semi-décalage, et surtout l'envoûtant Zarin, de Shirin Neshat, dont l'atmosphère moyen-orientale maladive reste durablement en mémoire. Deux escales d'un parcours dans l'ensemble plutôt judicieux, dont l'accessibilité joue allégrement en sa faveur.Destroy all monstersDeuxième exposition présentée, Replay se propose de revenir sur les liens établis entre la sphère punk anglaise et nord-américaine des années 70 et 80 et la création artistique contemporaine, au travers de trois installations. Établie par Kim Gordon (figure de proue de la mythique formation rock Sonic Youth) et Jutta Koether, la première d'entre-elles, Reverse Karaoke, propose au visiteur de réaliser son propre enregistrement en s'installant sous une toile de tente remplie de matériel low-tech. À sa disposition, plusieurs samples de voix de Kim Gordon, et divers instruments (guitare, batterie, percussions…). Une fois l'enregistrement effectué, un CD est gravé à destination du visiteur, tandis qu'un autre vient enrichir l'installation. Un dispositif qui s'annonce a priori plutôt prometteur, même si l'on n'a pas encore eu le loisir de le voir en fonctionnement. À noter également, Strange Früt : Rock Apocrypha, installation collective de Mike Kelley, Cary Loren et Jim Shaw, composée de 4 acryliques sur toile au charme ouvertement kitsch, mettant en valeur à la manière des peintures murales commémoratives, la scène musicale contre-culturelle de Detroit dans les années 70 (The Stooges, Sun-Ra, etc…). Pour les accompagner, une vidéo consacrée au combo punk Destroy All Monsters, fondé à la même époque par les créateurs de l'installation. Enfin, plusieurs œuvres de la “punk féministe radicale“ Linder Sterling, collaboratrice des Buzzcocks et de Morissey, constitueront le troisième volet de cette deuxième exposition.Replay / Reviewjusqu'au 3 septembre, au CNAC - Le Magasin


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