Tempête souterraine
publié dans Musiques par le Mercredi 26 avril 2006
Under byen / Le fond et la forme du dernier album d'Under Byen s'unissent dans un même élan d'inventivité et de courage. Écriture musicale novatrice, thèmes abordés courageux (inceste, dépression, solitude), avec Samme Stof Som Stof, les danois livrent des petites pièces sonores, satellites obsédants. Alliant écriture contemporaine électroacoustique, emprunts aux plus belles mélopées classiques, trip-hop évanescent, la recherche musicale n'en finit pas de nous émouvoir. La rythmique répétitive entêtante mais expressive d'un Arvo Pärt, où les envolées des cordes sonnent comme des quatuors majestueux, viennent rompre avec des guitares vrombissantes et sourdes. Épousant un piano mélancolique qui s'acharne à nous maintenir dans la tension, les percussions africaines détournées coulent autour de la voix d'Henriette Sennevaldt. Dans Ilm og omvendt, Iamesisk, Panterplanker, les magmas de sons, les arrêts, les ruptures de tons, les silences et les acharnements de sa voix confèrent aux voix d'instruments une place égale à celle de la sensuelle interprète. Voix boudeuse, atone, plate, suraiguë, posée, expressive, jouant des instruments qui la suivent, l'enveloppent, l'univers sonore travaillé pulse comme une veine. Tout s'ouvre alors sur des atmosphères sombres, des horizons musicaux aux mille détails, aspirant le corps et l'esprit dans un sommeil en veille, car larvée, souterraine, la tempête fait rage. Le paysage en apparence contenu s'agite à l'intérieur et se déplace sans sourciller, inexorable. L'attention ne fléchit jamais car les inventions sonores soufflent. Tour à tour relâchée, asphyxiée, la voix d'Henriette s'immisce dans les trilles d'un violon évoquant le passé, et les strates du temps se superposent. Les influences, les meilleures, s'épousent en se réinventant. Et même si le danois reste encore inintelligible à nos oreilles, le langage d'Under Byen nous parvient : ce huis-clos intime, torturé, très expressif, nous renvoie à nous, il nous pousse involontairement à un dialogue entre leur musique et la nôtre. Séverine Delrieuunder byenle 23 avril à 20h30, au CielAlbum : “Samme Stof Som Stof” (Telescopic Discograph)