Emmenez puis cachez vos enfants

Musique / À l'initiative de l'association Cosmos Donuts, les rockers infantilisants de Dragibus affrontent les bruitistes acharnés de Sun Plexus, ce vendredi à EVE. Un concert pour ceux qui, enfants, aimaient torturer des animaux en écoutant de la pop énervée. FC


Suivons la logique que le chaos nous dicte et penchons-nous tout d'abord sur le cas Dragibus. Soit un duo formé en 1995 par la sylphide Lore Bargès, dont la voix doucereuse allait devenir la clef de voûte de la formation, et par le multi-instrumentiste bricolo-rigolo Franq de Quengo. Au gré de leurs dates et enregistrements, ils sont sporadiquement rejoints par des sbires aux noms aussi évocateurs que Léo le Robot, Marcel le Lapin ou Monsieur Pingouin. Comme toutes ces facéties patronymiques le suggèrent, le credo musical de Dragibus s'oriente vers le jeune public. De fait, le duo originel vise la réappropriation en pop acidulée et vaguement expé de comptines oubliées ou peu connues du monde entier. Des mélodies simplissimes, réorchestrées de façon foutraque, la voix de Lore comme scansion très J-Pop (le groupe cartonne d'ailleurs plus au Japon qu'en France), des arrangements laissant filtrer la légère ironie de l'ensemble, et surtout, un décorum scénique versant dans la surenchère juvénile : zicos travestis en peluches géantes, des gadgets à foison… Sur CD comme sur scène, la formule se déguste comme une friandise sucrée et fait le bonheur du très jeune public. Les adultes se consolent en voyant leurs bambins extatiques reprendre en chœur les refrains lénifiants, ou en essayant de discerner les influences moins juvéniles de la formation.Malaise indusLeur adjonction au combo d'origine roumaine Sun Plexus laisse quelque peu pantois et augure d'un battle perdu d'avance (quoique). Si les deux groupes partagent un goût pour les dérivatifs transversaux de leur art (via des expos, installations et autres travaux vidéos), leur approche sonore diffère on ne peut plus violemment. On ne résiste pas à la tentation de citer une phrase clé de leur note d'intention, «Ils attrapent l'auditeur par les couilles et lui font siffler La Marseillaise jusqu'à épuisement, ou plus fréquemment jusqu'à ce qu'il quitte la salle». Pour ce qui est de cette main mise testiculaire sur l'hymne national, on attendra de vérifier en live, mais il faut reconnaître à la formule sa brute efficacité. À vrai dire, on ne se sent pas au mieux à l'écoute cumulée de tous les titres disponibles sur leur site (sunplexus.free.fr), extraits représentatifs de quatre albums froids, métalliques, rugueux, instillant une ambiance schizoïde ET paranoïaque chez l'auditeur subitement atteint d'une fébrilité anxieuse. Le trio y dépasse les angoisses punks, y foule du pied les explorations indus, y concasse bruits d'usine et hurlements fiévreux, vous happe dans une spirale au nihilisme achevé. Sun Plexus possède indéniablement son univers, et risque de vous y enfermer de gré ET de force.Dragibus + Sun Plexusle 24 mars à 20h30, à EVE


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The Saddest Music in the World