Ils dansent jusqu'à la dernière danse


Danse / La dernière création de Jean-Claude Gallotta, troisième volet de son épopée du corps, est une lente glissade immatérielle vers un rêve éveillé aux allures de road-movie éternel. Ce songe cinématographique, cotonneux et fiévreux à la fois, est animé par une tribu. Cette étrange famille constituée de femmes, d'hommes de trois générations différentes, danseurs au passé au présent au futur, mais danseurs toujours, conjuguent leurs histoires, leurs destins et s'enivrent d'amour. Des mouvements du passé, ils ont fait table rase, pour reconstruire une autre mémoire collective, faite de traces, d'échos, de sillons communs, d'un langage corporel en apesanteur. À les voir s'aimer en duo, en trio, former d'improbables couples, celui d'une grande blonde à talons hauts étreinte avec lenteur par un homme au physique ordinaire, ou celui d'une vieille femme face au corps d'une jeune fille, l'échantillon de la vie est reconstitué. Sont-ils dans un processus de création, ou des êtres au-bas d'un building livrés à la vie ? Tout à la fois sûrement. Guidé, orchestré par un Jean-Claude Gallotta incarnant un chorégraphe fou, obsessionnel, DJ déjanté, slameur, insufflant le rythme du jeu, ou dépassé par la vie et les êtres sur scène, les saynètes se mixent, les corps se rencontrent. L'irruption de l'incroyable image d'Henry Miller sur son lit de mort, affirmant qu'il vivra intensément jusqu'au bout, fait écho à ces désirs de danser jusqu'au bout, de créer jusqu'au bout, d'aimer jusqu'au bout, qui inondent la scène. La réussite des Gens qui dansent tient aussi à l'excellente musique de Strigall, qui unifie l'ensemble par ses couleurs sombres et profondes, rythmiques saccadées, atmosphères voyageuses soulignant cette ritournelle : Je danse donc je vis. Séverine DelrieuDes gens qui dansent du 14 au 25 mars, dans la Salle de Création de la MC2


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