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Les Mango Gadzi fêteront le 3 janvier à Meylan la sortie dE “Ur Mama”, leur premier véritable album (à force de les croiser sur scène, on en oubliait que leur unique trace sonore identifiée était un 7 titres). Leur chanteur, Sofian MEJRI, se penche sur le berceau de cet opus et livre par la même occasion l'état d'esprit Mango. Ou comment concilier l'art et la manière. Propos recueillis par Arnault Breysse


On vous connaît surtout grâce à vos prestations scéniques. Quels types d'émotions souhaitiez-vous faire passer avec cet album? Sofian Mejri : On part du principe que notre musique est d'abord live, le disque n'est qu'une trace de ce qu'on fait. On a essayé d'être le plus authentique possible, dans les arrangements, le son acoustique, l'énergie... C'est la somme de plein de choses, avec pas mal de consonances méditerranéennes. ll y a ce thème, Tzigarol, qui revient sur 3 titres joués de 3 façons différentes. La première version est plutôt "dark", dans un registre douloureux, la seconde est plus swing... Un jazz manouche un peu déglingué... Oui, c'est pour ça qu'on l'a appelée "chewing". La dernière a été enregistré avec Nomad?. On leur a filé le thème une heure avant, et on s'est lancés dans une version assez tonitruante. Ça ressemble à du Bregovic, mais monté dans l'instant, en vingt secondes. Il y a tout Mango dans ces trois titres. Sur la ballade Lacrima de Lluvia tu chantes en espagnol ou une nouvelle fois dans ta langue imaginaire? C'est de l'espagnol mais je lui ai mis une petite claque. Je me suis permis de le transformer un peu. Il y a aussi de l'arabe. Ne pas utiliser de textes identifiables et traiter la voix au même titre qu'un instrument sont deux options clairement assumées... À partir du moment où j'utilise un langage sensé, ma personnalité va ressortir plus que celles des autres et me mettre en avant. Je ne suis pas auteur. La voix est un instrument et Mango est la somme de plusieurs personnalités, c'est huit gars qui ont chacun leur mot à dire. Avec l'arrivée de Jorge, la danse a aussi pris une grande place. Il joue du oud et a amené une vraie dimension visuelle sur nos spectacles. En concert, vous êtes réputés pour vos titres plutôt festifs, l'album est aussi le moyen d'avoir un écoute plus attentive sur des chansons plus mélodiques... C'est vrai. Sur ce disque, nos morceaux festifs le sont toujours, mais bizarrement. Dans 15 tonnes par exemple, des passages ressemblent aux Négressses Vertes, puis deux voix mélancoliques déboulent seules avant de retrouver la veine centrale et l'explosion. Rien n'est gratuit. Ce relief est important pour parvenir à embarquer les gens.On retrouvera pas mal d'invités à Meylan le 3 février? Laetitia des Nomad? va nous rejoindre. Elle fait les voix féminines sur l'album. On retrouvera le reste du groupe... Il y aura aussi Warzin Boule de feu qui vient de Paris, quatre lascars du milieu alternatif qui sont entre le rock, le cirque et un jazz tonitruant. J'ai jamais entendu un son comme le leur. Et on devrait aussi croiser les marionnettes géantes qu'on a pu voir sur Quartiers Libres, dans des costumes spéciaux pour la sortie de l'album... Vous avez la sensation d'appartenir à une famille musicale grenobloise ?On se sentait proches de feu-Shaâdy, de Rien qui a une âme et une vraie authenticité, de Maczde Carparte, de Pep's qui a aussi son propre univers. Mango a des interactions avec Nomad?, moi avec Label Année du Singe. On a tous été obligé de migrer pour pouvoir jouer. À un jour de décalage, tu fais parfois les mêmes scènes que Root's Secours, MIG ou Rhésus. On s'exporte tous alors que l'on est sous-exploités chez nous. Même si on doit beaucoup à des assos comme Dynamusic ou Rocktambule, Mango Gadzi a très vite volé de ses propres ailes, sans jamais avoir été subventionné. On a fait par exemple la première partie de Lo'jo, à Montouge, loin de chez nous. Le programmateur a aimé et nous a reprogrammé plus tard dans la saison. Une quinzaine de groupes grenoblois existent ainsi, grâce à la scène. Sinsé et Gnawa nous ont prouvés que c'était possible... Au rayon mémoire, tu gardes quels souvenirs du concert anniversaire de Radio Campus à EVE en compagnie de Shaâdy ? C'était énorme. Un concert monté avec pas grand chose qui génère une telle énergie... Il y aussi eu le chapiteau avec Alter-Nez à la Caserne de Bonne. On terminait à 5h du mat', en bœuf avec trois groupes grenoblois par soir. Quand tu vois ce potentiel, tu te dis qu'on fait pas grand' chose pour nous au niveau local, et tu te demandes pourquoi on fait pas cette fameuse salle de 1000 places là-bas...Mango Gadzile 3 février, à la Maison de la Musique de MeylanAlbum : "Ur Mama" (Tchookar / Productions Spéciales)


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