Petits cosmonautes


Il était une fois deux histrions locaux, frères de surcroît, gavés de pop et de chanson française (mais pas au sens large, attention, lâchez-lui la bride et le plus barbu se lance dans une litanie d'insultes que je ne peux pas retranscrire ici, par respect pour les fans de Cali). Un jour, comme ça, sans crier garde, leur prend l'envie de tenter l'aventure musicale avec leurs bites, leurs textes et leurs guitares. Leur premier album officiel, Chez les Nudistes, provoque moult malentendus : promus chantres du naturisme-feeling et d'une dérision amère, accentuée par les talents d'impro de Chris Gonthard sur scène, les Frères Nubuck brouillent les pistes à leur grand dam. Qu'importe, leur nouvel album portera la marque sonore qu'ils recherchent, quitte à décevoir celles et ceux qui n'aimaient que leur talent d'agitateurs paisibles. Chaque vivant est un mort en puissance, conçu sous l'œil vigilant du mystérieux Vieux Mad (créateur du label Sorry But Home Recording), risque de les faire une nouvelle fois passer pour ce qu'ils ne sont presque pas : la pochette les montre dubitatifs sur le plateau de l'infâme Laurent Ruquier, à la grâce d'un photo-montage aussi grossier que savoureux, et certains titres portent à croire que nos compères s'engagent violemment dans la sphère altermondialiste. Que nenni, il suffit d'écouter l'album, de plonger au cœur de ses paroles goûtues et de ses arrangements peaufinés pour découvrir les vrais zicos se dissimulant derrière les trublions. La mélancolie pop est plus assumée, les garçons se sont entourés de vaillants compagnons sonores, apportant une meilleure cohérence à des morceaux plus francs dans leurs explorations intimes, comme dans leurs extrapolations goguenardes sur tout et n'importe quoi. Reste aux deux chanteurs à faire muer les fragilités de leurs voix en assurance, et le tour sera quasiment joué. FC

Les Frères Nubuck
Album : "Chaque vivant est un mort en puissance" (Sorry but Home Recording)


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Jeune, et public avant tout