Des racines à la modernité

Entretien / De sa voix chaude et enveloppante, Benoît Thiebergien déroule les projets transculturels originaux sur lesquels cette 17e édition se construit en grande partie. Propos recueillis par Séverine Delrieu


Cette programmation met en avant des compositeurs de notre temps issus de différents pays, qui puisent dans leurs racines musicales pour écrire. Ils cherchent aussi à échanger avec d'autres...Benoît Thierbergien : Aujourd'hui, le monde est une caisse de résonance. Partout dans le monde, on peut écouter l'ensemble du répertoire musical. Les rencontres entres musiciens créent des musiques qui évoluent et se transforment. Nous, on fait le grand écart. Alors qu'on a tendance à opposer tradition et modernité, au fond, on trouve qu'il y a des préoccupations communes entres les compositeurs de culture occidentale et les compositeurs issus de la culture traditionnelle comme en Asie ou en Afrique. Ces artistes, qui font le lien entre formes traditionnelles et formes contemporaines, sont passionnants parce qu'ils regardent le monde et l'interprètent. Ils ont envie de confronter leurs propres traditions, d'échanger leurs savoir-faire. Ces expériences sont fertiles, car elles sont des rencontres humaines. Le résultat reflète cette envie de partager les différences : ce métissage, c'est faire œuvre commune tout en respectant l'identité des uns et des autres. Ce n'est pas l'hybridation, ni la fusion, c'est plus fragile, plus sensible que cela.Comme avec la création Tahawol de Keyvan Chemirani ?Ce musicien d'identité française et iranienne, dépositaire de la tradition musicale de la percussion, est un personnage clé puisqu'il fait le pont entre plusieurs esthétiques. Je lui ai proposé de jouer au festival en Mauritanie dont j'assure la direction artistique. Là, il a rencontré des musiciens traditionnels de Mauritanie avec lesquels il y a eu rencontre. Puis Chemirani m'a parlé d'artistes andalous dont il aimait le travail. Les correspondances historiques et artistiques entre ces deux pays justifient cette attirance. Puis, les trois sources musicales ont échangé. À Grenoble, comme on est avec ce projet dans le domaine de la création, je ne sais pas ce que ça va donner, mais notre rôle est de prendre ce risque là.Comment s'inscrivent des projets de musiques contemporaines pures ?Si on ouvre le panorama de la création, on laisse la place à des projets effectivement non transculturels. Les opérations menées avec nos partenaires comme le CNR, avec le concert Bernard Cavanna, permet de donner accès à la découverte de musiques contemporaines plus “classiques”. C'est la cas aussi du portait de musique française donné par l'Ensemble Orchestral, tout comme le concert-lecture de la compositrice Xu Yi, qui traduit avec un langage classique contemporain, la culture chinoise, le taoïsme.


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L’autre mondialisation