Les 5000 doigts du Dr Albin


Avec son premier album, cet ancien clavier-hero (pour M et Mathieu Boogaerts) nous avait convaincus par son univers doux-amer, où les événements les plus horribles étaient traités avec un suprême détachement et une belle élégance d'écriture. A-t-il changé depuis ? Cette promesse, annoncée dans le titre de son deuxième album, est un nouveau piège : Albin de la Simone y enfonce plutôt le clou, sans oublier cependant de le tordre dans tous les sens. Car Je vais changer se plait à bousculer l'équilibre délicat créé par son auteur : un peu plus variété qu'avant (l'horizon souchonien est nettement plus intéressant ici que chez Sandrine Kiberlain), plus léger souvent, beaucoup plus sombre parfois. Pour une reprise francisée et anecdotique de Sinatra avec sa compagne Jeanne Cherhal (Ces mots stupides), De la Simone propose en retour un morceau faussement angélique (Avril 4000) ; pour une chanson réaliste extraite du répertoire entre-deux-guerres (Elle fréquentait la rue Pigalle), il donne le change avec le très enlevé et contemporain Démonia. Mais c'est définitivement dans le désespoir dédramatisé qu'Albin est le meilleur : Tu ne peux rien faire et Je te manque sont parcourus par ces petites notations qui, mine de rien, disent que la vie, c'est pas de la tarte. Reste à savoir si à ce jeu du faux-semblant, Albin de la Simone ne va pas un peu loin ce coup-ci. Dans Notre homme, il aborde avec son habituelle nonchalance le drame de la pédophilie sur le ton de la confession biographique détachée, obligeant l'auditeur à se poser quelques questions : un masque de plus ou une brutale mise à nu ? Une chose est sûre : avec un tel morceau, De la Simone fait rentrer du monstrueux dans le monde trop propre de la variété française... C'est aussi louable que dérangeant. CC

Albin de la Simone, le 20 mai à la Bobine.


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