Des films sans Histoire ?

Retro / De la première guerre mondiale à la Guerre d'Algérie, de la fresque au fait-divers, petite histoire du film français sur l'Histoire française. Christophe Chabert


14-18À la sortie d'Un long dimanche de fiançailles, Jean-Pierre Jeunet expliquait que les films français sur la première guerre mondiale se comptaient sur les doigts de la main. À peine sorti du conflit, Abel Gance tourne J'accuse, mélange de fiction et de documentaire. 20 ans plus tard, La Grande illusion de Jean Renoir convoque les fantômes de la guerre pour exorciser le spectre d'un nouveau désastre en préparation. Puis silence radio jusqu'à ce qu'en 1976 Jean-Jacques Annaud tente une vision comique et absurde de la “Grande guerre” dans La Victoire en chantant. Un film qui donne le “la” de tous ceux qui évoqueront ensuite cette période : Tavernier dans La Vie et rien d'autre (sur la recherche d'un "soldat inconnu") et Capitaine Conan (comment un psychopathe devient un être "normal" en temps de guerre), Dupeyron dans La Chambre des officiers (sur le retour à la vie des gueules cassées) et finalement Jeunet (l'amnésie collective comme ciment d'une nation blessée).39-45Le cinéma français est plus prolixe sur la deuxième guerre mondiale, mais les approches sont aussi diverses que les enjeux de cette période. Fresques sur la résistance (le magnifique L'Armée des ombres de Melville, le plus plan-plan Lucie Aubrac de Claude Berri), approches douces-amères sur la situation des juifs (Berri encore avec Le Vieil homme et l'enfant, Jugnot pour Monsieur Batignole) ou portraits d'une France collabo (Berri toujours dans Uranus ou Louis Malle dans Lacombe Lucien)... Chaque fois, les films suscitent une émotion qui vire à la polémique ou à la communion solennelle (comme Truffaut et Malle avec Le Dernier Métro et Au revoir les enfants).Algérie/IndochineTrois types de films ont tenté d'évoquer les heures sombres de la décolonisation française. Les films tournés à l'époque qui rusent avec la censure (Muriel de Resnais, Le Petit soldat et Pierrot le fou de Godard ou Adieu Philippine de Jacques Rozier, L'Insoumis d'Alain Cavalier) ; ceux mis en scène par des cinéastes qui y étaient (Pierre Schoendorffer, avec son admirable 317e section puis Dien Bien Phû, en est le plus digne représentant) ; et ceux qui, dans une nostalgie un peu rance pour le cinéma d'antan, en font un background exotique (Indochine de Wargnier et L'Amant de Jean-Jacques Annaud). Le film-somme sur le conflit algérien reste l'imposant documentaire La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier, et le plus direct Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vauthier.Biopic et fait-diversAvant Le Promeneur du Champ de mars, il y eut le peu mémorable Pétain de Jacques Rouffio ; voilà pour le biopic français en matière de grandes figures politiques (on ne comptera pas ici le risible Président avec Gabin en clone non avoué de De Gaulle). En revanche, le cinéma français aime aller chercher des faits-divers pour évoquer symboliquement son histoire : des sœurs Papin jusqu'à Jean-Claude Romand, en passant par Jacques Mesrine, autant de destins individuels transformés en anti-héros révélateurs d'un malaise dans la société. Comme si le miroir du réel ne pouvait être crédible que quand on le regarde de biais...


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