À la recherche du groove perdu

MUSIQUE / Tout frais sorti de leur nouveau studio, Cube, le troisième album du Peuple de l'Herbe persiste dans la fusion des grooves tous azimuts (hip-hop, funk, électro, breakbeat, drum'n'bass) et confirme la part un peu hors-norme du quatuor dans le paysage mainstream français. Damien Grimbert


Tout commence à Lyon au milieu des années 90, par la rencontre de 2 DJs émérites, Pee et Stani. Adeptes d'un joyeux bordel musical où s'entremêlent hip-hop, funk, reggae, dub, ragga-jungle, house, breakbeat et rare groove, les deux acolytes commencent à jouer en bars et en soirées sous la forme de sound-system, et deviennent rapidement résidents des mythiques soirées Groovambar, où ils invitent fréquemment saxos, trompettes, ou autres DJ's à les rejoindre, avant de sortir leurs premiers maxis sous le nom du Peuple de l'Herbe, et de créer leur propre label, Supadope Records, en 1997. Trois ans plus tard, après une participation à la bande-son de Baise-moi, trash-movie pas génial de leur amie Virginie Despentes, le duo sort Triple Zéro +, réunion de quelques maxis déjà sortis, de remixs et d'inédits, où l'on retrouve en invités leurs futurs comparses N'Zeng (trompette) et Psychostick (batterie), aux côtés de Sir Jean (Meï Teï Sho) ou de DJ Duke (Assassin). Cocktail détonnant de tout ce qui constitue leurs influences, ponctué de samples de dialogues déconnants, l'album surprend par la variété de ses ambiances, et la qualité de ses productions. Mais fait également parler de lui par le biais de sa pochette (un pitbull avec une feuille de cannabis entre les crocs), qui, associé au nom du groupe, les enferme rapidement dans un rôle de défenseurs de drogues douces dont ils auront toutes les peines du monde à se départir, eux qui n'envisageaient le tout que comme une simple pochade. Enfin, amenés à défendre l'album sur scène, Pee et Stani sont rejoints par N'Zeng et Psychostick, qui deviennent membres du groupe à part entière. Les premières prestations sont explosives, et Le Peuple de l'Herbe se bâtit rapidement une réputation de groupe de scène, qui ne sera jamais démentie par la suite.Back by popular demandDeux ans s'écoulent, et après une Victoire de la Musique en poche pour la Meilleure Prestation Scénique (pour laquelle le groupe ne se déplace pas, après avoir appris qu'il ne pourrait pas jouer live), c'est la sortie de PH Test Two, deuxième album propulsant carrément Le Peuple dans la catégorie des artistes avec lesquels il faut compter. Malgré des conditions d'enregistrement pas optimales («On l'a fait en trois mois entre deux tournées, donc on a plutôt passé du temps à adapter des morceaux qu'on avait déjà en live pour le studio», dixit Stani), la dynamique entre parties électroniques et acoustiques donne à l'ensemble une finition bien plus sophistiquée que sur Triple Zero, et un son qui lui est propre. Persévérant dans sa lignée transgenre, le groupe accouche de quelques tubes monstrueux (l'anthem ragga-jungle No Escape, avec “l'Original Nuttah” UK Apache en featuring), et invite sur deux morceaux le rappeur et human beatbox anglais JCOO1, qui deviendra plus ou moins leur MC attitré par la suite, au point de les accompagner sur une bonne partie de leur démesurée nouvelle tournée (plus d'un an sur les routes, à enflammer les scènes françaises, et européennes, qui seront restituées par la suite dans le live Sold Out, sorti en 2004).Boxin' da beatFin 2003, grâce à un deal avec la Mairie de Lyon, le Peuple accède à un local à l'intérieur des Subsistances, et met en place son propre studio d'enregistrement, la Supadope Factory, dans lequel le groupe s'enferme près d'un an, temps de gestation de leur troisième opus, Cube. Le travail effectué en studio, pour une fois prépondérant, permet au groupe de bénéficier d'un son encore plus dense et plus organique, et à l'album de gagner en homogénéité, même s'il délaisse également le défrichage musical rafraîchissant des précédents albums. En lieu et place de cette exploration des nouveaux courants underground, on trouve néanmoins quelques solides tracks de hip-hop old-school, du breakbeat à gogo, pas mal d'électro cuivrée, et un peu d'abstract et de jungle bienvenue, qui feront à coup sûr fureur sur scène. Mais le côté un peu vintage, présent dès les débuts, prend ici une part primordiale, comme si , dans sa volonté ouverte de se rapprocher d'une bande-son cuivrée à la Lalo Schiffrin, le groupe était passé à côté des dernières sonorités émergentes. Ne boudons pas notre plaisir, l'album reste un modèle d'efficacité et de cohérence, et l'innovation cède place à un réel savoir-faire qu'on retrouvera avec plaisir en live… En attendant la sortie de la première compilation du label (Supadope ayant été relancé avec la création du studio) «éclectique, mais principalement électro» qui devrait se faire courant janvier.Le Peuple de l'Herbele 22 janvier aux Abattoirs de Bourgoin JallieuAlbum : “Cube” (Supadope/Pias)


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