Mouvements de rue


Danse / Une architecture de vêtements, sorte de silhouettes désincarnées, se dessine sur un plateau dépouillé. La noirceur est coupée par une lumière posée sur les quatre interprètes, Aïcha M'Barek et Hafiz Dahou (les chorégraphes originaires de Tunisie), et deux autres danseurs, une Malgache et un péruvien. Ils offrent leurs dos, leurs épaules, leurs têtes courbées. Une atmosphère d'Afrique du Nord, matérialisée par une bande sonore (mélange de sons naturels et de voix), nous transporte en Orient. Ce quatuor de “Khaddem”, des ouvriers de la rue, ces vivants dehors, cherchent la bonne enveloppe : ils se remplissent, se protègent de plusieurs couches de vêtements. Mais la forme initiale se déconstruit, pour se reconstruire ailleurs : en utilisant les simples éléments scénographiques, ils réalisent un cimetière, une barricade ou un barrage, qui symbolisent les stades de leurs évolutions et la prise en main de leurs destins. Le langage chorégraphique passe du jeu animé par les mouvements du bassin (“Hazem”), rappelant la danse du ventre, ou le hip-hop, vers une sorte de transe sombre plus géométrique, carrée, toujours soutenue par un enchaînement de musiques surprenantes. L'Orient s'ouvre vers l'universel. Parler des gens assignés à la rue, au-delà des modes, sans misérabilisme, voilà qui n'était point chose gagner. Et pourtant, la forme n'est pas triviale, facile, même si elle ne contourne jamais le fond du problème. L'énergie, la complicité ressentie entre le quatuor, la puissance de la résurgence de chaque culture, et vécus emportent néanmoins vers l'émotion sans appui inutile. Des images déconcertantes de beauté et de signification se dessinent aussi, déflorant avec elles, des questions fondamentales, notamment le rôle de témoin inconfortable du spectateur. SDKhaddem Hazem les jeu 8 et ven 9 nov à 20h à la Rampe


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L’œil du cyclone