Les créatures


La scène du Théâtre de Création est à nu. Dépourvue de pendrillons et décor superflu. Une table, des tréteaux, une housse de contrebasse, des machines électroniques, des objets non identifiés, des projecteurs sont éparpillés au sol. De cet état de fin du monde, ou de début de quelque chose, des lumières lancinantes, pulsations prenantes, lancent les naissances insolites des corps, soit des créatures sorties du néant de l'objet.

Métamorphose(s), un duo tendu et intense entre un musicien et un danseur, ne lésine pas sur l'effet de surprise, les passages inquiétants, qui peuvent être comiques par leurs étrangetés ; des images fortes, toujours, où la monstruosité la dispute à la beauté. D'un côté Camille Perrin, le contrebassiste, physionomie et voix impressionnantes, incarne le côté brut, sauvage, presque dominant du duo, et règne, un rien monstre, sur le plateau. Il organise le dispositif scénique, les lumières, lance une bande son, redistribue l'espace à grands pas, déplace l'autre, l'observe. L' autre, c'est Nicolas Hubert, le danseur. Tout en retenue, et souplesse, bandé, blessé, moignon en bout de bras, il évolue au sol comme s'il était une créature encore prisonnière de sa chrysalide. Découvrant l'usage du corps, de ses muscles, il semble l'objet d'une expérience, contraint par les décisions de l'expérimentateur fou.

Pourtant, dans un ring réalisé avec une économie de moyens - comme toutes les scènes -, ses membres répondent aux riffs et chant libre du contrebassiste, moments de créations intenses entre ces êtres à mi-chemin entre fantasmagorie et réalité. Si une inquiétante étrangeté plane de bout en bout de Métamorphose(s), spectacle visuel pétri d'images à la croisée du cinéma, graphisme ou de la peinture, le propos se dessine par touches, au fil des peaux abandonnées. SD

Métamorphose(s) du mar 4 au sam 8 déc, mar et jeu à 19h30, mer, ven et sam à 20h30 au Théâtre de Création


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