Le sens dévie


Retour / Les Égarés, un projet de Pierre Meunier élaboré collectivement avec des comédiens puissants, s'est joué du 4 au 8 décembre à la Salle de Création de la MC2. Dans cette forme, l'on prend part à un théâtre du corps qui nous perd et nous renvoie perpétuellement à nous-même - pourquoi sommes-nous là ? Que faisons-nous ? Qu'attendons-nous ? Pourquoi restons-nous ? Dans la vie, au théâtre ? - et nous bouscule. Les Égarés est un long poème visuel qui repose sur les présences de ceux qui peuplent la scène. Avec comme première partie un rideau noir qui ne se baisse jamais, alors qu'au micro, de la salle, un metteur en scène assène des ordres à des personnages timides, hésitants, comiques évoluant sur la scène et qui ne le comprennent pas. Sensation de dialogue impossible, d'incompréhension, d'éloignement entre des faibles, des égarés, des esprits vagabonds mais libres, face à ceux qui savent. Implicitement Meunier semble parler du ridicule et de l'inutilité d'une certaine forme de théâtre. Le théâtre est, là, lieu de l'essence et de l'essentiel. Lorsque le rideau tombe, les êtres qui le peuplent à découvert, à nu sont là, simplement, champ de vies chaotique. Ensemble, ils vont construire des images poétiques, symboliquement chargées et racontant la condition humaine. Les mots surgissent tard à travers, entre autres, des textes de Pennequin où de Patrick Laupin. Une intense émotion monte notamment lors de la scène de l'homme secoué dans l'armoire qui raconte sa vie, traumatisante. Mais plus touchantes sont ces fragilités, ces douleurs qui s'expriment dans des saynètes corporelles, dans des métaphores viusuelles - les échaufaudages dansants, le vent dans les voiles, vision fleur bleue, remplacée par une image plus tragique. Très troublante aussi, la sensuelle rencontre entre la souche, et l'homme, soit un retour aux origines, aux zones inconscientes de l'être. De ces hommes qui semblent avoir basculé, s'être égarés, avoir perdu le sens, une incroyable vérité surgie. sD


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L’enfant des épreuves