Une radiographie du monde industriel

entretien / Martine Arnaud-Goddet a tourné en 2005 “Calor, une usine en perspective” autour de témoignages et paroles d'employés sur leur rapport au travail et à l'entreprise. Propos recueillis par Séverine Delrieu


Il semble que vous ayez eu une grande liberté d'action dans l'usine…
Martine Arnaud-Goddet : Dans le programme d'Ethnologie et Cinéma il y a une coquille : ce film n'est pas une commande du groupe Calor/ Seb, mais une co-production entre le CE de Calor, l'association Cinex et moi-même. Pendant 7 mois, j'ai pu tourner très librement et avec une grande régularité. Après une période de repérages, j'ai pu me faire accepter alors qu'il est toujours difficile d'entrer dans les ateliers pour y tourner des sujets. Les personnes rencontrées se sont aussi exprimées librement. C'est vrai que le directeur du site croyait que ce serait un film de famille, uniquement dans le but de valoriser Calor. Je voulais m'attacher à la dimension humaine, notamment à la relation que chacun a au travail quel que soit le poste occupé. Je crois que le film est une radiographie du monde industriel d'aujourd'hui, sans être partisan, même si l'on sent où je me situe.On entend effectivement toutes les voix…
Oui et tout le monde peut s'y reconnaître, de l'ouvrier au chef d'entreprise.Qu'aviez-vous envie de montrer à travers toutes ces rencontres ?
Ce qui m'intéressait, c'était non pas de m'attacher à une entreprise en difficultés, mais de raconter une entreprise en très bonne santé. Elle l'est encore à l'heure actuelle. C'est l'usine qui rapporte le plus d'argent au groupe Seb. Ses marges bénéficiaires sont incroyables. Je trouvais donc d'autant plus intéressant d'interroger le monde de l'industrie à travers une unité qui se porte bien. Cela démontre en partie que les délocalisations ne sont pas une fin en soi, puisqu'on a du savoir-faire, des équipes compétentes. On s'aperçoit souvent que dans les entreprises, quelles que soient leurs tailles, leurs importances, la communication est rompue : l'homme est isolé face à sa machine, seul dans son box. Les gens ne se connaissent plus. C'est le fait d'une organisation politique, c'est voulu. Du coup, grâce à ce film, cadres, ouvriers, ingénieurs ont pu s'écouter. L'ouvrier pouvait constater la pression du cadre et réciproquement. Puis, je ne voulais pas tomber dans la nostalgie, ni être bloquée sur la mémoire. Il y a des va-et-vient entre passé, présent, mais l'avenir est aussi évoqué. En montrant cette usine qui est forte, la question que l'on se pose est : que fait-on alors ?Calor, une usine en perspective. Ouverture des 12e Rencontres le lun 17 mars à 14h à l'Amphithéâtre de la Maison des Sciences de l'Homme – Alpes, en présence de la réalisatrice


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