Résistances d'hier et d'aujourd'hui

Pour sa 7e édition, le festival isérois du film sur la Résistance propose des documents sur des aspects peu connus de la Résistance de 40 à 44, s'ouvre à d'autres pays, et propose des cinématographies sur les résistances d'aujourd'hui. Une programmation intelligente, marquée par le présence de témoins et de réalisateurs des films. Séverine Delrieu


À l'initiative de l'association des amis de la Résistance Isère, fille de l'ANACRE (Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance) le Festival a pour principal objectif la transmission de la mémoire. «Nous ne voulons pas voir occulter une histoire et un passé, surtout en ces temps troublés partout dans le Monde» rappelle Martine Peters, présidente de l'association.
Et comme à l'accoutumée, le Festival propose des cinématographies sur la Résistance de 40 à 44. «Mais cette année, on traite des sujets peu abordés et méconnus de la résistance».
En effet, Résistants de la première heure, film de Philippe Constantini de 2003 (mélange de documents d'archive, témoignages d'anciens résistants et chercheurs), évoque la vie de jeunes gens résistants. Quels sont leurs parcours personnels ? Leur appartenance politique ?
Ce document s'avère fort précieux, car l'un de ces jeunes résistants est Guy Môquet. On cerne alors plus justement - loin de toute icônisation à l'emporte-pièce – la réelle personnalité de cet adolescent. À travers les récits de ses anciens copains de lycée ou camarades du camp de Choisel (dans lequel il sera fusillé à 17 ans), Guy Môquet est décrit comme un ado sportif, peu passionné par le travail scolaire, charmeur, et très courageux.
Fasciné par son père député communiste du 17e arrondissement de Paris (qui sera arrêté pour ses convictions politiques), ce jeune garçon se jette en toute insouciance dans la Résistance. Très vite arrêté, il se trouvera une famille de substitution dans le camp en les personnes de leaders communistes et syndicalistes tels que Charles Michel, Jean-Pierre Timbaud et d'autres.
Le document est ponctué de lectures de lettres qu'il adresse à sa mère et à son père. La destinataire d'une de ses dernières lettres sera Odette Nilès, ancienne résistante, compagne de captivité et proche de Môquet - il en était amoureux. Les femmes en résistance
Odette Nilès, et Fernand Laporte, un ancien résistant, seront présents lors de la projection à la Bibliothèque Kateb Yacine.
Philippe Carrese parle dans Liberata du premier département français qui fut libéré de l'occupant italien, la Corse.
Christophe Malavoy, dans la fiction Zone Libre, aborde le sujet des personnes ayant caché des adultes et enfants juifs.
Des allemands dans la Résistance, de Jean-Pierre Vedel, réalisé à partir de documents d'archives, de témoignages d'anciens résistants allemands, décrit ce qu'était “Le travail allemand”.
Mis en place pendant la guerre pour essayer de pénétrer l'appareil de guerre allemand, des personnes, souvent d'origines allemandes, approchaient des soldats allemands pour essayer de savoir s'ils étaient des anti-nazis.
Ces activités étaient en majeure partie menées par des femmes. Irma Mico a été la responsable des groupes de femmes sur la région parisienne et sera présente lors de cette projection co-organisée avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère / Maison des droits de l'homme aux Archives départementales.
Enfin, le documentaire Résistantes, de l'ombre à la lumière, donne aussi un éclairage sur le rôle des femmes dans la résistance.Luttes d' ailleurs, et d'aujourd'hui
Le festival s'ouvre logiquement sur les résistances dans d'autres pays et à d'autres époques.
Le Brahmane du Komintern documentaire passionnant réalisé par Vladimir Léon en trois années, nous fait découvrir M.N. Roy, un activiste politique et penseur aux idées novatrices, un précieux intellectuel qui mourut en 1954 dans sa maison indienne. Vladimir Léon (qui sera présent lors de la projection) part sur ses traces.
Ce brahmane (la plus haute caste indienne), a rejoint, paradoxalement, les bolchéviks. Il sera un proche de Lénine, fréquentera Adorno. Il crée des partis communistes partout dans le monde (Mexique, Chine…).
Pourtant, il est l'un des premiers à s'opposer à l'idée de colonisation. Du coup, ses relations avec le mouvement communiste se dégradent. Il se réfugie en Allemagne et devient un des opposants au nazisme. Puis, il regagne l'Inde et est emprisonné.
Durant son incarcération, il écrit moult textes aux idées très humanistes et trop avant-gardistes. Lorsqu'il en sort, il crée un parti politique qui ne rencontrera aucun succès. Outre l'intérêt évident de découvrir le destin hors du commun de Roy, la réalisation d'une rare sensibilité, très intime, est nourrie de rencontres vraiment belles, étonnantes et chaleureuses. Les pensées, la présence du réalisateur-narrateur nous portent dans ce périple poétique. Un petit bijou.
Enfin, un film sur les résistances à la précarité et au chômage, La rue est dans la nuit comme une déchirure de Alain Massoneau et Catherine Page (dont nous avions largement parlé dans notre numéro précédent) sera présenté le 28 mars à l'Espace Aragon (en partenariat avec Ethnologie et Cinéma, et le Centre des Arts du récit) en présence des protagonistes du film, des réalisateurs et de la chorale Les Barricades.7e Festival Isérois du film sur la Résistance du 18 mars au 8 avril, lieux divers.


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