Lost

Théâtre / De passage à l'Heure Bleue, la création Plus loin que loin du Panta Théâtre nous fait découvrir l'œuvre stupéfiante de la dramaturge britannique Zinnie Harris. FC


L'auteur n'est autre qu'une étoile filante de la création théâtrale anglaise contemporaine. Après des études de zoologie, Zinnie Harris étudie la dramaturgie, écrit sa première pièce (By many wounds) en 1999 et connaît le succès comme la reconnaissance de ses pairs l'année suivante, à l'âge de 28 ans avec Further than the furthest thing (Plus loin que loin). Elle tâtera par la suite de la mise en scène, de l'écriture télé (avec deux épisodes de MI-5), entamera une résidence fructueuse à la Royal Shakespeare Company londonienne.
Son œuvre majeure, Plus loin que loin, est un récit singulier, passionnant, brassant des thèmes aussi risqués que les écarts de civilisation indépassables, la remise en cause des normes sociales contemporaines et, en définitive, la terrifiante capacité du genre humain à se détruire.
L'action démarre sur une île perdue près du Cap, uniquement desservie par un bateau deux fois par an. Ses habitants vivent en autarcie, s'expriment dans un dialecte n'ayant de cesse de bousculer les conventions grammaticales pour mieux épouser les sentiments ainsi exprimés.
Francis revient du D'hors, accompagné d'un représentant en bocaux, désireux de s'implanter dans ce coin perdu. Lorsqu'une éruption volcanique menace d'éclater, toute la population doit se replier en Angleterre, à Southampton.
Ce brusque changement sociétal aura pour finalité de réveiller des secrets fondateurs et cruels, sans pour autant jeter un voile funeste sur les protagonistes : à travers le destin des îliens, c'est tout un propos a priori ravageur mais lucide sur la notion de victime qui se dessine.Les survivantsLa scénographie fait dans l'épure. Un décor unique, reflétant les évolutions de l'intrigue comme les états émotionnels de ses personnages via ses jeux de lumières, des rétroprojections, des escamotages divers. L'accent est volontairement mis sur les performances des comédiens, pour un résultat à double tranchant.
Monsieur Hansen, l'industriel, est campé avec sobriété, en opposition à la gouaille extravertie des représentants de l'île – un parti pris qui peut gêner aux entournures, tant il déflore occasionnellement la poésie de leurs singulières prises de parole (saluons au passage le travail de traduction émérite effectuée par Dominique Hollier et Blandine Pellissier).
La mise en place de l'intrigue se fait ainsi un rien languissante, prend le risque mesuré de larguer le spectateur, mais dès le deuxième acte, la pertinence du propos reprend peu à peu ses droits.
Il faut attendre la bouleversante confession finale de tante Mill pour assimiler pleinement les enjeux d'une telle mise en scène, comme l'horreur diffuse du récit. Toutes les pièces de ce puzzle théâtral disparate s'imbriquent avec une effroyable logique, et récompensent par là même la patience de l'auditoire.Plus loin que loin. Mer 2 et jeu 3 avril à 20h30, à l'Heure Bleue (St Martin d'Hères)


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