Sauvé par l'épiphanie


Éric Reinhardt, est un auteur vraiment nécessaire. Dans le morale des ménages, il donne la parole à un chanteur quitté par sa femme et sa fille. Suite à cet abandon, ce narrateur décrit la famille dont il est issu ; une famille qu'il tient pour responsable de son désastre. Un père subissant les humiliations permanentes au sein de son entreprise, un père issu d'une classe moyenne qu'il hait. L'adulte qu'il devient produira le même type de rejet dans propre famille. Une première auto-fiction déroutante et intelligente sur les répétitions. Dans Cendrillon, roman polyphonique aux tons contraires – poésie, violence, légèreté, noirceur - photographie sociologique de la France et de notre société contemporaine, incontestablement le roman nécessaire de la rentrée littéraire 2007, brille par une maîtrise narrative et une liberté de propos. Un écrivain nommé Éric Reinhardt – un écrivain fantasmé et paranoïaque - amoureux de l'automne, de Mallarmé, de Joyce, s'identifiant à la figure de Cendrillon, vit ses journées sur la terrasse du Nemours, face au Palais Royal, crée trois personnages, ses doubles potentiels, qui se croisent et se heurtent dans le roman. Des hommes qu'il aurait pu devenir s'il n'avait pas rencontré Margot. Soit Laurent Dahl, fondateur d' un hedge fund à Londres, star de la finance – personnage ressemblant au très réel Jérôme Kerviel. Patrick Neftel, ancien élève brillant qui, suite au suicide de son père devient un psychopathe aliéné à la télévision. Thierry Trockel, perdu dans un fétichisme déviant pour sa femme. Des personnages issus des classes moyennes. Ce roman de lutte des classes, engagé, réaliste, critique la bourgeoisie intellectuelle de gauche, classe corporatisme, hostile à toute ascension sociale ; s'indigne des effets dévastateurs de la mondialisation et de la finance internationale ; dénonce les ravages de la morale "fric, productivité, stress" des entreprises ; dresse un portrait assassin de la télévision. Le monde littéraire n'échappe pas aux virulentes critiques. Seule la poésie, l'amour, la contemplation, les "épiphanies" sauvent de la brutalité contemporaine. SD


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