De l'horrible, du drôle

Rencontre avec Louise Desbrusses auteur de L'argent, l'urgence sur le monde du travail et de Couronnes boucliers armures, sur un enfer familial. Propos recueillis par Séverine Delrieu


Dans Couronnes boucliers armures, vous décrivez un enfer familial autant psychologique que social. Comment l'écriture de ce texte s'est-elle imposée ?Louise Desbrusses : Ce texte s'est imposé d'un coup. Même si au cours du travail, des changements ont eu lieu. C'est une question difficile, car il est complexe de résumer un processus.Stylistiquement, poétiquement c'est étonnant. Ce que je cherche, autant dans les textes publiés que sur celui sur lequel je travaille, c'est de trouver la façon particulière qui va permettre de ressentir, trouver la façon unique de raconter ce qui est en jeu.D'autant plus qu'on sait très peu sur la mère et les deux sœurs. L'anonymat appui le malaise.C'est vrai que les retours montrent qu'il y a un effet. Ce que je cherche, c'est que l'on ressente les émotions. Je ne vois pas ce que cela apporterait de décrire comme une photo vue de loin. Je cherche une photo intérieure.On est dans la pensée, la peau, totalement.Oui, et c'est cela qui m'intéresse. Cela ne m'intéresse pas d'expliquer. Je voulais écrire une histoire intérieure des cheminements. Les pensées des unes et des autres, c'est ce qu'elle se racontent. Ce n'est pas que de la pensée analytique ou seulement des commentaires, c'est aussi tout le système dans lequel elles sont prises. Dans la première partie, l'histoire est donnée comme absolument celle-là. Puis, arrive le côté «bon maintenant on soulève la nappe » et l'on voit ce sur quoi cette histoire se construit. Et s'accumule toutes les couches de pensées de chacune.La Seconde sœur se libère.Je trouve fascinant qu'une phrase qui n'a pas forcément de lien avec une situation, libère. Cette chose là m'intéresse depuis longtemps, réfléchir à ce que cela signifie de changer. C'est quelque chose que l'on entend autour de soi en permanence, des gens qui se buttent, ou qui buttent toute leur vie sur un problème. Et ce que l'on constate, c'est que lorsque cela change, finalement, cela tient à très peu de chose. Et cette idée était vraiment dans ma tête dès le début, le basculement et le soulagement de la Seconde. On est chacun dans des systèmes qui s'autorégulent, et de temps en temps, l'air circule. L'humour et de distanciation sont très présents.C'est vrai qu'après que le livre ait été publié, je me suis dit qu'il était violent. Mais quand je l'ai écrit, j'avais beaucoup de distance. L'humour est extrêmement important pour moi. Parce que la vie est drôle aussi. Dans les histoires de famille, il y a toujours quelque chose à la fois d'horrible et de drôle. La question est de savoir jusqu'à quel point on en souffre.Rencontre avec Louise Desbrusses le 5 à 10h, Bibliothèque Alliance et à 15h30 Maison de l'International.L'argent, l'urgence (2006) et Couronnes boucliers armures (2007) sont publiés chez P.O.L


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