El Topo

Le Centre Culturel Cinématographique nous offre l'occasion rarissime de découvrir sur grand écran le film le plus emblématique de cet artiste hors norme qu'est Alejandro Jodorowsky. François Cau


Une réputation de film culte, comment ça se gagne ? Il suffit parfois d'un simple coup marketing bien malin, d'un malentendu sur les intentions du réalisateur, d'un étalage de scènes crues pour que la sauce prenne avant de retomber en quelques mois à peine. Dans le cas d'El Topo, il n'y a guère tromperie sur la marchandise. Son auteur, membre du collectif surréaliste Panique aux côtés de Roland Topor et Fernando Arrabal, a élaboré son œuvre en indépendance totale. Alejandro Jodorowsky a même poussé le vice jusqu'à envisager la globalité de son film comme une métaphore d'un cinéma underground voué à émerger des profondeurs. Et de fait, El Topo, de par son étrangeté et la faible renommée de son auteur, inaugura les célébrissimes séances de minuit américaines aux côtés d'œuvres tout aussi matricielles qu'Earserhead de David Lynch, Pink Flamingos de John Waters ou encore le Rocky Horror Picture Show. Avant de bénéficier de l'appui financier d'un John Lennon en pleine phase psychotrope, et d'accéder à une plus large distribution.Western métaphysiqueJodorowsky compare son film à un trip sous LSD, mais qui n'aurait pas forcément besoin d'être vu drogué vu «que le boulot a déjà été fait». Le film se scinde en deux parties. Dans un premier temps, El Topo et son fils débarquent dans un pueblo où toute la population a été massacré par le Colonel et ses sbires. Après avoir rendu sa justice sauvage, El Topo abandonne son fils à des moines et accepte la proposition de celle qu'il nomme Mara : affronter les quatre maîtres pistoleros du désert. Blessé à l'issue du dernier duel, El Topo est recueilli par une communauté de nains. Au sortir d'un coma de plusieurs années, il retrouve son fils, tombe amoureux d'une naine, et cette famille recomposée se soude autour de l'élaboration d'un tunnel… Aucun résumé ne saurait rendre justice au trip mystique proposé par Jodorowsky. Un maelström de visions cauchemardesques, savamment blasphématoires, où l'auteur s'érige en divinité abstraite, violente, misogyne, tricheuse, traverse les péripéties grotesques et croise moult créatures équivoques. La vision d'El Topo vous prend aux tripes dès ses saisissantes premières images écrasées par un soleil de plomb, noyées dans l'immensité désertique puis bringuebalées dans un torrent d'atrocités filmées frontalement, sans fioritures. Les cadres choquent, la bande-son vrille les tympans, le montage prend en permanence par surprise… Que vous soyez réceptifs ou non à l'univers décrit ici, vous pouvez être sûr d'une chose : bon nombre d'images de ce périple resteront gravées en vous à jamais. El Topode et avec Alejandro Jodorowsky (1970, Mexique, 2h05) avec Brontis Jodorowsky, Mara Lorenzio…mer 30 avril à 20h, au CCC (salle Juliet Berto)


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«Le monstre, c'est la caméra»