Le grand écart

Historique / Fort d'une histoire riche en apports culturels éclectiques, le Ballet du Grand Théâtre de Genève fait escale cette semaine à la Rampe avec un double programme Stravinski conciliant radicalité chorégraphique et divertissement exigeant. Regard sur une institution majeure de la danse contemporaine. François Cau


Le Grand Théâtre de Genève ne naît, dans sa forme actuelle, qu'en 1962, lors de sa réouverture. Ressuscité des cendres d'un grand incendie (causé par la préparation hasardeuse d'un effet pyrotechnique en 1951), l'établissement profite de ce nouvel élan pour se doter de sa propre compagnie de ballet, confiée dans un premier temps à la chorégraphe (d'origine grenobloise, soyons chauvin) Janine Charrat. Une prodige de la danse, muse de Paul Claudel, Paul Valéry ou Jean Cocteau, qui place d'emblée la barre chorégraphique dans des hauteurs stratosphériques. Elle sera relayée jusqu'en 1969 par Serge Golovine, lequel préfèrera suivre ses premières amours pédagogiques au bout de cinq année d'activité. La décennie suivante est marquée par la prestigieuse tutelle de George Balanchine au poste de conseiller artistique, grand maître de ballet qui aura eu autant de succès sur les scènes européennes que sur les planches de Broadway. Dans les années 80, c'est au tour de l'argentin Oscar Araiz d'imprimer sa marque en tant que directeur du ballet, mâtinant son répertoire d'influences latines. Entre autres collaborations chorégraphiques, on cèdera à la tentation du name dropping en citant les apports successifs de Mikhaïl Baryshnikov, Rudolf Noureev, William Forsythe, ou encore Lucinda Childs.Une vraie ouverture
Lorsque l'actuel directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève Philippe Cohen prend ses fonctions en 2003, l'institution a déjà un vécu conséquent, un rayonnement reconnu à l'international. Elle se compose désormais de 22 danseurs de formation classique, mais également rompus à toutes les formes de danse contemporaine. Mais Philippe Cohen trouve le moyen de singulariser encore plus sa démarche : n'étant pas lui-même chorégraphe, il fait systématiquement appel à des artistes “extérieurs“ pour ses créations. On se souviendra ainsi avec beaucoup d'émotions du superbe Loin de Sidi Larbi Cherkaoui créé en 2005 et, à n'en point douter, de ce double programme Stravinski confié à deux collaborateurs réguliers du Ballet – Benjamin Millepied, qui avait déjà offert à ses danseurs un Casse-noisette éminemment ludique en 2005 ; et Andonis Foniadakis, qui avait connu la consécration avec Selon désir, présenté en 2004 sur la scène du Grand Théâtre de Genève. Deux visions situées aux extrémités opposées de l'axe chorégraphique contemporain, mais dont la complémentarité s'opère naturellement par la maîtrise d'interprètes au talent saisissant. Et le poids de toutes ces influences disparates de s'imposer avec une logique implacable au gré de cette soirée haute en couleurs.
Ballet du Grand Théâtre de Genève, programme Stravinski - Mar 6 mai à 20h, à la Rampe (Échirolles)


<< article précédent
Martyre