Shakespeare dell'Arte


Théâtre / En attendant d'emmener sa dernière création (Le Cercle de Craie, d'après Alfred Klabund, présenté au Théâtre Prémol en mars dernier dans une version “in progress“) en Avignon, la compagnie Alain Bertrand rejoue ce jeudi sur les planches du Théâtre de Grenoble l'une de ses plus belles réussites, Maure à Venise. Flashback : la compagnie voit le jour en 1988, à l'impulsion d'un Alain Bertrand fermement décidé à offrir un théâtre ouvertement ludique, généreux, qui séduirait par son énergie et l'engagement physique de ses acteurs un public peu habitué des scènes. Pour ce faire, il louvoie du côté des deux esthétiques qui deviendront peu à peu la matrice de la compagnie : le Clown et la Commedia dell'Arte, de vastes champs des possibles humoristiques où la démesure est nécessairement de mise. Alain Bertrand et ses sbires s'attaquent à Anton Tchekhov (avec Plaisanteries, en 1988), à Harold Pinter (Le Monte-Plats, 1995). C'est en 1998, avec la création de Maure à Venise (très libre adaptation du Marchand de Venise de William Shakespeare, mâtinée d'une intrigue de Commedia dell'Arte), que la compagnie prend son envol artistique.
Présentée moult années de suite en Avignon avec succès, la pièce marque la première collaboration de la compagnie avec le metteur en scène Carlo Boso, chantre vindicatif d'une “rigueur de la folie“, d'un théâtre populaire exigeant dans ses excès. Cette réinterprétation irrévérencieuse, dévoilant l'affrontement entre clans chrétiens, juifs et musulmans, impose une frénésie de rythme jouissive, offre à ses comédiens de purs moments de comédie jubilatoire (on retiendra notamment la scène en “retour rapide“), et parvient à insuffler, avec un art savant de la bricole, un beau souffle épique.FCMaure à VeniseJeu 15 mai à 19h30, au Théâtre de Grenoble


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