Big Bisons


Musique / Moriarty, groupe produit par Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff (Papa et Maman Deschiens) juxtapose des attributs antagonistes et dépareillés (tradition irlandaise, country-blues et quatre nationalités pour six membres) pour accoucher d'une singulière créature musicale, entre country désuète à la Hank Williams et cabaret rapiécé à la Kurt Weill.
Sur scène, regroupés en quinconce derrière un unique micro, ou sur leur album Gee Whiz But This Is a Lonesome Town, Moriarty évolue dans une atmosphère hors du temps et désincarnée. Comme une réunion de revenants qui continueraient à faire tourner un saloon fermé depuis 1889 pendant que le piano joue tout seul et que la poussière plie les poutres.
C'est cet univers-là, à la fois très précis, soucieux du détail, et totalement évanescent qui a dû charmer les Deschamps/Makeïeff. Ce côté bric-à-brac, où les percussions sont heurtées sur une vieille valise. Cet amour du nonsense matérialisé par Gilbert (une tête de chamois dont la plantureuse chanteuse ne se dépareille jamais) ou par le clip de Jimmy, figurant au sens propre un Far West de carte postale dans lequel les bisons prennent le train. De bisons, il en est d'ailleurs beaucoup question, pas tant peut-être pour la dimension folklorique de l'animal que pour ce qu'il représente : une figure de l'errance et de l'extinction, le symbole de ce que l'Amérique a perdu en gagnant tout le reste, la trace de fantômes qui ne hantent plus que les routes. Sur la pochette du disque, reproduisant un envoi postal d'époque, une mention loin d'être hasardeuse : «Cette correspondance n'a pas trouvé destination et sera prononcée apatride si non réclamée». Ni France, ni USA, ni ailleurs, mais toujours «sur la route», comme un certain héros de Jack Kerouac, inspiré de son ami Neal Casady et baptisé Dean… Moriarty.Stéphane DuchêneMoriarty, en première partie de DionysosMer 21 mai à 20h30, au Summum


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Après la catastrophe