Légendes vivantes

Leonard Cohen à Fourvière, Patti Smith à Musilac, Herbie Hancock à Jazz à Vienne : 2008 confirme que les festivals d'été sont une bonne occasion pour vérifier la santé des vétérans du rock ! Christophe Chabert


Il y a eu la mode, pas tout à fait passée, des reformations de groupes cultes (de l'opportunisme des Pixies à l'incongruité de Led Zeppelin, en passant par l'émouvante renaissance du Wedding Present) ; mais depuis quelques étés, c'est bel et bien le retour des vétérans qui fait figure de tendance de fond. 2008 sera à ce niveau-là un cru exceptionnel puisque Leonard Cohen a décidé de reprendre la route pour une ultime tournée, brisant ainsi un silence live long d'une décennie et demi. À 72 ans, le folk singer canadien n'a plus grand chose à prouver sinon qu'il peut encore aujourd'hui enchanter les foules avec sa voix grave et ses chansons limpides. Ce come-back est d'autant plus émouvant que Cohen n'a rien à vendre : ni nouvel album, ni best of marketé par des costards-cravates avides. Même ses disques anciens (et Dieu sait qu'ils sont beaux !) ne valent plus rien sur le marché (on peut se payer sa discographie complète pour moins de 50 euros !), mais il suffit de voir à quelle vitesse les places pour le concert de Fourvière se sont écoulées pour saisir l'ampleur de l'événement : voir Cohen une dernière fois sur scène, - même si, pour beaucoup, ce sera une première fois…Back to the future
Patti Smith avait elle aussi repris du service l'an dernier à Fourvière, après la sortie d'un album de reprises très réussi, sans doute son meilleur depuis sa glorieuse série des années 70. Le concert avait enthousiasmé le public, et un an plus tard, la revoilà à l'affiche d'un grand festival d'été, Musilac à Aix-les-Bains. On espère juste que l'art délicat de cette grande prêtresse du rock américain, dont la trajectoire croise tous les géants, de Dylan à Springsteen, ne sera pas trop écrasé par quelque mastodonte fluorescent comme Mika…
Mais le cas le plus excitant de cette saison estivale reste celui de Herbie Hancock à Jazz à Vienne. Alors, on peut mégoter sur le fait que la musique de Hancock, de ses débuts jazzy aux côtés de Miles Davis jusqu'à ses audacieux flirts avec le rap et l'électro, n'a rien à voir avec le rock à guitares. Claviériste surdoué, Hancock a en commun avec les grands rockers une manière particulièrement têtue de remettre l'ouvrage sur le métier, de fouiner dans des courants novateurs pour en donner une lecture oscillant entre expérimentations et quête du tube. Cela donne par exemple l'incontournable Rockit, qui a servi de détonateur à la démocratisation du mouvement breakdance. Mais dans les années 80, c'est sa rencontre avec l'extraordinaire Bill Laswell qui va fournir la part la plus inattendue de sa carrière. Une collaboration au long cours qui débouche sur un album majeur en 2001, Future2Future, où hip-hop, jazz et électronique créent un son effectivement futuriste et inclassable. Depuis, Hancock a oscillé entre reprises douteuses et hommages respectueux à ses maîtres. Sa venue à Vienne est néanmoins un bel événement au sein d'une programmation qui fait figure de wall of fame du jazz.


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