Les cabarettistes

Eténèsh Wassié, sublime chanteuse éthiopienne, voix éraillée, habitée fusionne et s'insère dans le quartet de jazz, le Tigre des Platanes pour des envolées émotionnelles sur le fil. Séverine Delrieu


Le cadre aérien de la Bastille pourrait bien amplifier l'émotion déjà puissante, que délivre cette expérience musicale voyageuse, aux limites du jazz et de la musique contemporaine où se mêle chant traditionnel éthiopien. D'un côté, Le Tigre des Platanes, quartet instrumental inventif, péchu composé de Marc Demerau au saxophone baryton, alto et… « cris », Fabien Duscombs, batterie, percussions, Piero Pépin à la trompette, bugle, mélodica, et Mathieu Sourisseau, guitare basse acoustique, guitare, banjo et soubassophone, de brillants musiciens caractérisés par une curiosité à l'égard des musiques des mondes et leur capacité de réappropriation d'un répertoire choisi comprenant Tom Waits, The Ex, l'Art Ensemble of Chicago…Depuis leurs débuts, la joyeuse bande porte attention au brassage et métissage des musiques, des influences musicales qu'ils intègrent à leur sauce, dans leur jazz. Un très libre jazz, éclectique, sauvage, rageur, irrespectueux, piqué de rock - pas vraiment loin d'un John Zorn. De l'autre, Eténèsh Wassié, chanteuse azmari (Ethiopie), voix sombre, exprimant les blessures, les cris intérieurs, la chaleur humaine aussi. Frissonnante, fragile voix délivrant tout un pan du répertoire des chants éthiopiens, mélopées à la beauté éblouissante.Lyrique dans la fureur
Au cours de voyages en Afrique, et notamment à Addis Abeba en 2006, le quartet s'immerge dans la musique éthiopienne – il en est par ailleurs déjà familier. Les rencontres avec les musiciens éthiopiens abondent. De fil en aiguille, s'amorce une collaboration riche, féconde et étrange avec la chanteuse Eténèsh Wassié, dame maniant l'improvisation avec une aisance confondante. Un disque, Zèraf, naîtra en 2007. Suivie d'un essaimage de concerts partout en France. Dès la première écoute de l'opus, l'émotion surgit pour s'installer. Intensité, sincérité dominent d'un bout à l'autre. De déliés et bavards morceaux s'époumonent : rythmes ravageurs, cadences soutenues, une caravane instrumentale chevauche à tout rompre. Sur la pointe des pieds ou incisive, la voix d'Eténèsh, et plus encore une sensibilité, une charge émotionnelle, pénètre entière, décalée sur les lignes musicales accidentées. Sa voix éraillée, porteuse de déchirures ou de lumineux horizons, réalise des vocalises ou ornements vocaux dérivant vers l'Asie ou l'Orient. Loin de dialogues convenus entre deux continents, deux mondes musicaux, les personnalités s'assument dans leurs paroles, sans dénigrer la solitude et l'éloignement éventuels Eténèsh et le Tigre des platanes le 27 juillet à 17h à la Bastille (Concert gratuit)Zèraf, Thio SonicEn partenariat avec Musiques Nomades/38èmes Rugissants


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