A casa de Alice

de Chico Teixeira (Brésil, 1h32) avec Carla Ribas, Vinicius Zinn…


Dans la maison d'Alice, la grand-mère s'occupe des tâches ménagères, alors que la cécité la guette. Les trois garçons vivotent de petits boulots en plans glauques. Le père «ramène l'argent et s'attend à ce que la table soit dressée et sa femme parfumée en rentrant» - même s'il préfère courir les adolescentes. Et Alice rêve. Que sa vie en vaille la peine, que son amour de jeunesse, croisé au détour de son salon de beauté, la fasse vibrer comme jadis. Dans cette morne mécanique quotidienne, tout peut déraper en un instant, même si ce virage attendu mettra du temps à pointer le bout de son nez… Chico Teixeira a de fait opté pour la forme la plus épurée possible : plans fixes légèrement tremblotants, absence totale de musique, mise en scène au cordeau, collant au plus près de ses personnages.
Si ce procédé cinématographique peut s'avérer convenu en de maintes reprises, marchant dans les sentiers balisés de la chronique socio-familiale dramatique - si chère au cœur d'albâtre des programmateurs de festivals internationaux, il se fait également le vecteur d'un portrait de femme parmi les plus convaincants vus récemment. Si Alice condense volontairement tous les enjeux de l'intrigue, son interprète, l'exceptionnelle Carla Ribas, se charge de les sublimer en leur donnant encore plus de corps. À sa grâce, le film devient une ode intègre à l'émancipation, loin de tout fantasme libertaire, et les drames larvés de cette cellule familiale sclérosée deviennent proprement bouleversants. Il faudra cependant patienter le temps d'une longue installation avant que l'émotion ne vienne reprendre ses droits.
François Cau


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Par suite d’un arrêt de travail