Les Années

Gallimard, 2008, 257 pages


Annie Ernaux réussit avec une fluidité confondante à allier expérience intime à expérience collective avec les Années. Un ouvrage majeur, nécessaire, politique, écrit par une femme réellement de gauche qui livre ses points de vus sur l'évolution de la société. Les Années est une mémoire précieuse, une vision juste de la réalité, sans compromis, libre. Dans cette chronique des quelque 60 dernières années de l'histoire de la France, l'auteur y fait défiler les grands événements politiques qui ont marqué sa vie et celle des millions d'autres Français, de sa naissance durant la guerre et de celle de ses enfants à l'avènement de la pilule, de la révolte de Mai 68 à la chute du mur de Berlin, sur fond de consommation de plus en plus effrénée au fur et à mesure que passe le temps. Un bijou de synthèse, de précision littéraire, de puissance d'analyse critique exprimant magnifiquement la marche du monde en même temps que celle d'une femme. Graver sur papier le passage du temps, temps qui n'existera pas dans la tête des générations futures, à moins précisément qu'il ne soit transmis par l'écriture, croisé à une autobiographie, le défi était de taille. L'auteur y répond très efficacement, alternant le «on», le «nous» au « elle ». En cours de récit, Annie Ernaux choisit de décrire des photographies personnelles. Ces images liées à ses souvenirs, deviennent les points de référence dans l'histoire qui passe, renforçant la fusion entre parcours individuel et histoire. Mais on est particulièrement bouleversé par la sensibilité et l'intelligence de l'auteur.
SD


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