Un doigt, des pieds de nez


Le Centre d'Art Bastille (CAB) perché sur le site de la Bastille, un peu dans les nuages, et beaucoup dans la montagne, a été investi par des pièces de Pierre Ardouvin. Cette exposition, intitulée La Chose et réalisée spécifiquement pour le lieu, est la deuxième étape d'un travail, Temps de Chien, présenté en 2007 à la galerie Valentin à Paris. Dans cette dernière, Pierre Ardouvin rendait hommage à Eugène Pottier, auteur de L'Internationale. Dans La chose, un mélange de pièces de Temps de chien et de nouvelles (pour la plupart des objets), produit un climat loufoque pour dire un certain écœurement, un mal-être larvé. Dès l'entrée, le visiteur s'arrête sur une image idyllique : un poster en dur de montagnes, paysage flambant neuf, hurlant de beauté, brillant de mille feux. Mais cette forme type s‘avère chiffonnée, tel un rêve en toc, un mensonge. Tout près, un bonhomme de neige, personnage typique des jeux d'enfants en hiver, ici semblable à un jouet balourd, s'affaisse sur lui-même. Peut-être est-ce à cause de la chaleur environnante… Un faux feu brûle dans une fausse cheminée à côté. Sur celle-ci, dans un “beau plat” une main fait un doigt. Cette reconstitution d'un intérieur, symbole du foyer, de la famille, un ensemble de pièces loufoques semble un pied de nez aux contes du quotidien ; il souligne aussi l'aspect régressif, réac, gangrénant les sociétés actuelles. Un retour en arrière inquiétant. Cette étrangeté s'accroît avec l'encombrante forme noire gonflée, un nuage boursouflé, pollué qui provoque une véritable sensation d'angoisse. Des râles lancinants s'en échappent et se mélangent aux sons d'un musicien en peine, notes venues du dernier objet esseulé : une boule de Noël écrasée par deux seaux.
SD La Chose de Pierre Ardouvin
Jusqu'au 14 sept, au Centre d'Art Bastille


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