Vernet joue avec Duras


THÉÂTRE / Pour clore une résidence de quatre ans à l'Hexagone, Muriel Vernet décide de s'attaquer à la prolifique Duras, et au livre-scénario de son film atypique Le Camion. Derrière une trame très simple – une femme d'un certain âge monte dans des camions en faisant du stop, et déballe sa vie aux chauffeurs – se cachent de nombreux ressorts dramatiques avec lesquels la metteuse en scène s'amuse à loisir. D'abord la construction même du récit : dans le film, Duras et Depardieu ne sont pas où on les attend (dans un camion) mais ailleurs, dans une chambre, et ils évoquent cet histoire en train de s'écrire. Subtile mise en abyme que Muriel Vernet accentue en plaçant ses deux comédiens (Isabelle Prim et François Laroche de Féline) sur un simili lieu de tournage. La forme ensuite : Duras ose construire un film autour des seuls mots. Vernet respecte cette idée à la lettre, les artifices de mise en scène – la vidéo, la musique…– n'étant utilisé, avec habileté, dans le seul but de renforcer le propos. Le fond pour finir : Marguerite Duras se sert de cette «histoire de quatre sous» pour aborder de nombreux thèmes qui lui sont chers, avec, en premier lieu, la politique et la désillusion d'un socialisme forniquant avec le capitalisme. On est en 1977, Duras a été exclue depuis longtemps du Parti Communiste. Sa rage imprègne ses mots. Muriel Vernet ne trahit par l'auteure, elle porte sa parole sur scène pour montrer à tous ses aspirations de liberté. Et joue ainsi avec ses mots, avec une exigence qui ravira les inconditionnels de la verve durassienne.

ET SI ON JOUAIT AU CAMION, MARGUERITE ?
Jeudi 13 et vendredi 14 novembre à 20h
à l'Hexagone (Meylan)


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