Hauts en couleur

La nouvelle édition du Mois du Graphisme rend hommage à l'écriture, dans une large acception du terme, garantissant de multiples et fécondes clés d'entrée. François Cau


La manifestation fête cette année ses 18 ans. Sort-elle pour autant changée à jamais de cette accession à la majorité ? Pas vraiment, tant ses géniteurs ont à cœur de faire perdurer une ligne éditoriale fixée dès la première édition, en 1990. Ausculter toutes les spécificités du vaste champ du graphisme, mettre en exergue ses spécificités les plus pertinentes – quitte à aller à contre-courant (dès 1991, la communication des rencontres joue de la savoureuse mise en abyme, proclamant que «La pub tue»), proposer des éclairages inédits sur ses innombrables déclinaisons à l'international, le tout en accomplissant une action pédagogique soutenue – qui demeure l'un des véritables centres névralgiques de l'événement. Loin de tout didactisme, le Mois du Graphisme ouvre en effet sa riche programmation à bon nombre d'ateliers pédagogiques, rencontres avec les artistes ou autres conférences sur ses nombreux temps forts, et n'espère rien tant que susciter le débat sur les formes de représentations choisies.

Jugeons un livre à sa couverture

Le thème retenu pour cette année est donc celui de l'écriture, un sujet qui sera encore une fois abordé sous une multiplicité d'angles inattendus. Point fort du Mois du Graphisme édition 2008, le conséquent panorama We love books ! A world tour se propose d'explorer le monde de l'édition littéraire à travers le globe, via ses visuels les plus singuliers, agrégats percutants d'illustrations créées par des artistes originaires de tous les continents, exposés notamment aux Moulins de Villancourt - dans le même temps qu'une rétrospective consacrée aux éditions internationales de Madame Bovary. De ces sélections où les éditeurs français manquent volontairement à l'appel (histoire de verser dans un esprit bêtement cocardier, on y aurait tout de même bien vu le superbe travail accompli en la matière par les méritants p'tits gars d'Actes Sud ou de Tristram), on ne saurait trop vous conseiller d'honorer le Musée Géo-Charles d'une ou même plusieurs visites, avec leurs expositions consacrées aux très pop Graphistes à Taïwan, aux Livres du Cambodge, à Madagascar ou enfin le volet sur les Directeurs artistiques à New York. Autant de pistes à explorer, pour analyser l'appréhension, la compréhension, parfois même les subtiles interprétations des sous textes voilés d'une œuvre, comment cette dernière peut frapper l'imagination avant que la première page ne soit tournée. Dans le même ordre d'idée, on vous enjoint vertement à suivre le volet de la programmation consacré aux génériques de films (voir encadré ci-contre).

Ecrire pour exister

Après les regards sur le support, place au contenu ! La salle La Rampe accueille une partie des œuvres du typographe Philippe Apeloig (voir interview), artiste émérite, ayant exprimé ses dons dans la communication et dans l'édition, fasciné par la torture signifiante des lettres – loin de se cantonner à un simple sadisme scriptural, notre homme s'accapare la matière écrite pour en défricher des sens inédits. L'artiste tchèque Kveta Pacovska joue elle aussi avec l'alphabet, mais dans des abécédaires à destination de la jeunesse, où elle laisse exploser ses fusions entre graphisme, typographie et arts plastiques (elle est exposée à la Maison des Ecrits). Enfin, le Mois du Graphisme n'oublie surtout pas sa place au cœur de la cité, prolonge même son accessibilité en faisant participer les habitants d'Echirolles de façon on ne peut plus pragmatique à la manifestation. L'exposition Paroles d'habitants (à la Société Dauphinoise d'Habitat) fait part des travaux menés par les plasticiennes et graphistes Marina Siakowski et Anne-Leila Ollivier dans les trois années écoulées, à partir des témoignages des habitants de la ville. Teaching-design.com (à la Maison de l'Architecture grenobloise) nous dévoile les correspondances artistiques entre des étudiants et lycéens européens, et le projet Poubelle la vie (Hôtel de ville d'Echirolles) fait s'exprimer les lycéens sur les ravages de la pollution.

Mois du Graphisme
Du 21 novembre au 31 janvier, lieux divers
Détails de la programmation en pages agenda


<< article précédent
Un nouveau départ