L'étourdissement Pinocchio


Il faut y aller ! Ce spectacle vaut bien une injonction car cette adaptation est un condensé de ce que le théâtre peut faire de mieux. Tout d'abord il s'adresse à tous, les enfants dès 8 ans sont conviés dit la plaquette. Mieux vaut toutefois leur rappeler que les contes sont parfois cruels et inquiétants surtout lorsque le metteur en scène décide que leur âge ne justifie pas de les maintenir dans une forme abêtissante au ras des pâquerettes. Ce Pinocchio est aussi une démonstration de ce que la machinerie théâtrale peut produire : la mer déchainée est faitede faisceaux lumineux en mouvement. Époustouflant ! Mais ici, l'inventivité ne se fait pas au détriment de la narration que Pommerat tient à montrer. Le criquet est devenu un Monsieur Loyal torse nu, micro en main, animateur de foire, peu rassurant et incroyablement efficace. Cette trame narrative accompagne le bonhomme de bois dans ses errements. Pinocchio boude son père trop pauvre pour aller flirter avec une vie plus intense : avec virtuosité, défilent pèle mêle, boite de nuit, prison, tribunal, cirque jusqu'à la gueule de la baleine. L'étourdissement est total car Pommerat n'en est pas à son coup d'essai. Il maitrise parfaitement toutes les articulations qu'il engendre et n'oublie pas que le théâtre doit susciter des émotions, plus encore qu'engendrer un discours. Loin de vouloir «faire joli», il brode surtout un théâtre ambitieux et intelligent qui conte ici l'histoire d'un petit garçon égaré dans les limbes de la superficialité et qui, en échappant aux mensonges, retrouve son essentiel : le père.
Nadja PobelPinocchio
Du 21 au 25 avril, à la Salle de Création de la MC2


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