"Chants d'adieu" : chronique de préjugés ordinaires

Une famille française part au Japon pour l'enterrement de leur fille, et rencontre ainsi leur belle famille. Une pièce, mise en scène par Laurent Gutmann,  sobrement touchante très loin d'un "Bienvenue chez les Japonais".


« Je pensais pouvoir venir n'importe quand. Finalement, je n'ai jamais réussi à venir. » Pour la première fois, une famille française débarque au Japon mais pour un triste motif : l'enterrement de leur fille. Cette dernière s'y était installée sept ans auparavant, et s'était remariée. Ces funérailles seront donc prétexte à la rencontre entre les deux familles.

Chocs des cultures, difficultés de communication, mais aussi entraide, soutien réciproque… : en 1h30, on assiste à un panel de sentiments contradictoires. Oriza Hirata, l'un des chefs de file du théâtre contemporain japonais, a conçu avec Chants d'adieu un texte touchant d'une simplicité remarquable, où le langage ordinaire et la banalité des conversations véhiculent une émotion profondément enfouie.

L'homme de théâtre Laurent Gutmann, qui avait déjà travaillé avec Hirata à Tokyo, met en scène cette tragicomédie qui, loin de toute noirceur plombante, surprend par sa douce ironie. Le rire comme moyen de communication universel semble nous dire en filigrane Oriza Hirata ; car on sourit en découvrant cette famille française un peu gauche, ne sachant pas comment s'installer autour de la table basse centrale…

Travail d'orfèvre

Laurent Gutmann a réalisé ici un véritable travail d'orfèvre pour nous immiscer dans cette rencontre inhabituelle. Le décor reconstitue ainsi une demeure japonaise traditionnelle, sans ostentation. Et les comédiens ? La force de la mise en scène réside ici : bien qu'au début on ait pu redouter que la pièce ne verse dans la caricature (notamment avec le personnage du fils, très tranché), toutes ces craintes s'estompent au fil de la représentation.

En travaillant avec des comédiens français et japonais, et en jouant ouvertement sur les deux langues (c'est souvent le cas dans le travail d'Hirata), Gutmann instaure d'emblée un univers particulier, en plaçant le spectateur dans le même sentiment d'étrangeté que la famille française, sans porter de jugement sur elle (Chants d'adieu n'est pas une pièce moralisatrice dénonçant l'absence de vivre ensemble).

Au milieu de ce remue-ménage fait d'incompréhensions et de quiproquos, certains essaient pourtant de créer du lien, telle la sœur du mari japonais toute pleine de bonnes intentions, ou la meilleure amie française de Marie, installée elle aussi au Japon, mais presque ridicule dans le mimétisme pataud qu'elle semble s'imposer. Des personnages touchants qui nous livrent un très joli moment de théâtre, en toute simplicité.

Chants d'adieu
Du mardi 5 au jeudi 7 mai, à la MC2


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