Festival Regards croisés: notre sélection

On a lu les textes, on les a aimé, on vous en cause. AM


Lyrisme social
« La seule façon d'aimer quelqu'un, c'est de le tuer » fait dire l'auteure américaine Naomi Wallace à l'un de ses personnages d'Au pont de Pope Lick. Sur ce pont passe chaque soir, à la même heure et à toute vitesse, une locomotive, « monstre suant, fumant, brûlant de promesses ». Une jeune fille la défie de temps à autre, en traversant les voies à son passage, et entraîne dans cette course suicidaire un jeune garçon. Dans ce texte fort (qu'on imagine renforcé par l'oralité), Naomi Wallace arrive à dépeindre avec pudeur et lyrisme ce qu'il se trame dans la tête de ces gamins paumés et désespérés, en les confrontant aux désillusions du monde environnant (les États-Unis de 1936, en pleine dépression). Du grand théâtre aux résonances sociales percutantes. L'un de nos coups de cœur de ce festival.
AU PONT DE POPE LICK
Vendredi 29 à 20h.

Trash & co
Un récit fait de longs monologues, débités, jetés, crachés par trois personnages (deux femmes et un homme, nommés seulement par une lettre) déglingués par la vie, engloutis dans la noirceur d'un Dublin des bas-fonds. Grâce à une écriture vivante et surprenante, l'auteur Irlandais Mark O'Rowe nous entraîne dans un univers crasseux, sanglant et morbide, qui virera même vers le fantastique à la fin du récit. C'est glauque, dérangeant, et l'on ressort de la lecture vidé, presque éreinté, en se demandant bien comment la fièvre rageuse de ce texte va pouvoir être retranscrite par les membres de Troisième bureau sans l'amoindrir. Faisons-leur confiance.
TERMINUS DUBLIN
Jeudi 28 à 20h.

Farce acerbe
Sous la forme d'un vaudeville contemporain, Mourad Bourboune décrit dans Les Fossoyeurs un pays du Maghreb (il ne lui donne pas de nom) « qui ne voit pas plus loin que la mosquée et la caserne », et « où l'on ne peut pas gagner sa vie honnêtement ». L'action se déroule dans un hammam situé en plein centre ville. Une famille de nouveaux riches s'évertue péniblement à le faire fonctionner, alors que dehors, des notables et autres hommes d'affaires n'espèrent que leur chute pour s'emparer de leur bien. Ici, tout peut donc servir de prétexte pour manger l'autre, même son soi-disant ami. L'écriture de l'Algérien Mouarad Bourboune, très rythmée et saccadée, devrait ressortir grandie par la lecture publique.
LES FOSSOYEURS
Lundi 25 à 22h, en présence de l'auteur.

Morts-vivants
Un récit qui s'emboîte comme des poupées russes: c'est ce qu'a construit l'Anglaise Laura Wade avec Des Cadavres qui respirent, sorte de jeu de pistes littéraire à suspense imaginé autour du thème de la mort. Mais une mort tantôt réelle, tantôt fantasmée, sorte de révélateur pour six personnages bloqués dans une banlieue sinistre, qui s'entrecroiseront le temps de ce récit sombre pourtant teinté d'ironie et de mordant. Le titre de la pièce vient ainsi d'une réplique d'Antigone de Sophocle, citée en exergue par l'auteure : « Quand un homme a perdu ce qui faisait sa joie, je tiens qu'il ne vit plus. C'est un cadavre qui respire. »
DES CADAVRES QUI RESPIRENT
Mercredi 27 à 20h, en présence de l'auteure.


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