La nature et son double


Eric Hurtado nous invite à vivre une expérience nue propre à modifier le regard que l'on porte sur la réalité. Paysages mystérieux et dépouillement de la parole nous dérangent pour mieux nous interpeller… Quelques précisions nous semblent toutefois essentielles pour l'approche de l'exposition. Le principe du jeu de ce chasseur d'images était le suivant : traquer le cadrage parfait et attendre patiemment le crépuscule. Le moment venu, effectuer une pose longue (entre 4 et 30 minutes) permettant d'absorber généreusement la lumière de la lune. Le résultat semble avoir été retouché numériquement : il n'en est fichtrement rien ! L'appareil nous découvre des éléments et des lumières invisibles à l'œil nu (des nuances de doré aux violettes cachées dans l'herbe) grâce à une technique simple qui fait ainsi naître l'étrange et l'irréel dans un espace banalement réel. Installées dans les lieux de prise, les œuvres deviennent les pendants photographiques d'une réalité à laquelle elles sont confrontées sans ménagement ; les miroirs fixés dans leur dos démultiplient la perception de l'image et permettent d'atteindre cet au-delà de la chose en se jouant des reflets. L'artiste ne nie pas la filiation de son travail avec celui des peintres paysagistes du XIXème siècle et s'ancre, malin qu'il est, dans l'histoire des prémisses de la photographie, revendiquant ainsi la légitimité de réinventer les frontières séparant l'avant et l'après de la révolution qu'a constitué l'apparition de la photographie dans les Arts.Laetitia Giry
Le Point aveugle
Jusqu'au 31 octobre, au Musée Hébert


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Adieu Gary