Non ma fille tu n'iras pas danser

De Christophe Honoré (Fr, 1h45) avec Chiara Mastroianni, Marina Foïs, Louis Garrel…


Il y a deux belles scènes dans le dernier film de Christophe Honoré : celle où un père s'adosse à un arbre pour s'adresser au spectateur et raconter le roman familial. Le texte est beau, le mouvement de caméra fluide, la mélancolie règne… L'autre séquence réussie du film est plus tardive : c'est un vieux conte breton qu'Honoré met en images, interrompant avec audace le cours de son récit pour mieux l'éclairer de cette allégorie. Il y est question d'une fille promise à un mariage de raison et qui, le jour de ses noces, voit son mari puis tous les hommes du village mourir à ses pieds, foudroyés alors qu'ils dansaient avec elle. L'héroïne du film, Léna (Chiara Mastroianni), est elle aussi contrainte par les désirs qui l'entourent et lui dictent sa conduite et va chercher maladroitement à s'en échapper, pour assumer son statut de mère libre et de femme indépendante. Le discours d'Honoré est bien rodé, mais ce discours est un spectre qui ne s'incarne jamais à travers les plans. Honoré pense que la force de ce qu'il dit l'exonère de ce qui est tout de même le métier premier d'un cinéaste : sa réalisation à l'écran. Un dialogue ici se fait forcément autour d'une table ou dans un lit, on rumine ses états d'âme en marchant seule dans les champs ou dans une rue la nuit… Ce cinéma-là frappe par son anachronisme : Honoré est un cinéaste des années 90 égaré dans le XXIe siècle, labourant des terres rendues arides par plus brillant que lui (Desplechin, pour ne pas le nommer).
CC


<< article précédent
Les regrets