Le sacre du roi Wajdi Mouawad

Il a été la star du dernier festival d'Avignon. Il revient cette année dans l'agglo : d'abord à l'Hexagone en novembre, un théâtre qui le soutient depuis longtemps, puis en mars prochain à la MC2 pour y dévoiler sa dernière création. Il sera donc très difficile d'ignorer Wajdi Mouawad cette saison.


Depuis maintenant une dizaine d'années, critiques et public adressent des louanges ininterrompues à Wajdi Mouawad, ayant trouvé en lui l'homme de théâtre capable ni plus ni moins de redonner un sens à la notion de récit. Si on n'a pas toujours partagé cet enthousiasme délirant – à la limite de la vénération –, force est de reconnaître que Mouawad est un artiste passionnant – aussi irritant que subjuguant –, et surtout généreux.

Au coeur d'une époque où le théâtre se pose de nombreuses questions sur son rapport au monde, et où des metteurs en scène semblent chercher dans l'extrême certaines réponses en secouant le public au maximum par divers moyens (cf. les polémiques qui ont secoué les précédentes éditions d'Avignon), le travail de Mouawad a quelque chose de rassurant : oui, il s'adresse ouvertement au public, en choisissant les mots appropriés, en faisant appel à ses émotions, sans trop le brusquer.

À ce titre, redécouvrir Littoral, l'un de ses premiers textes qu'il a récemment remis en scène, permet de saisir le talent indéniable du bonhomme. Exil, famille, héritage, mort… : avec un sens aigu de la narration, il brasse ici les thèmes qui émailleront la suite de son travail, lui le Libanais contraint à l'exil dans sa jeunesse et qui rejoint le Québec à l'âge de quinze ans. La mise en scène de Littoral, pleinement au service d'un texte fort, sans fioritures dramaturgiques aguicheuses, permet d'apprécier un Mouawad au meilleur de sa forme.

Ce spectacle, qui pourra être découvert en novembre à l'Hexagone, fait partie, avec Incendies et Forêts, de la trilogie que l'auteur a baptisée Le sang des promesses. Pour info, elle a fait l'ouverture du dernier festival d'Avignon (Mouawad était l'artiste associé cette année), et sera visible à Chambéry et Lyon à la fin de l'année. Onze heures durant, les trois pièces s'enchaînent : Littoral donc, puis Incendies qui avait littéralement créé l'émeute lors de ses représentations à l'Hexagone (pour les fans, la pièce sera reprise seule en novembre à Lyon, aux Célestins) et enfin Forêts (qui divise encore et toujours la rédaction du Petit Bulletin !).

Ciel mon Wajdi

Artiste se définissant avant tout comme « un écrivain égaré dans le monde du théâtre », Mouawad démontre ainsi, texte après texte, la constance de son propos... quitte à sombrer quelques fois dans la redite ou le bavardage intempestif. Mais il est aussi assez agréable de remarquer que l'homme sait surprendre de temps à autres, tant par la forme que par le contenu : Seuls par exemple, long solo où il se mettait volontairement à nu devant le public, ou encore Ciels, sa dernière création présentée en mars prochain à la MC2.

Dans cette pièce, dernier volet de sa réflexion sur l'héritage qui vient compléter la trilogie (qui est donc amenée à devenir une tétralogie !), Mouawad prend ses spectateurs à rebrousse poil : Littoral, Incendies et Forêts étaient construites sur la notion de partage générationnel et du devoir de comprendre ses origines ; ici, c'est l'inverse : non, les enfants que l'on a engendrés ne sont pas forcément nos clones et peuvent lutter avec force contre les idéaux familiaux. On assiste alors sur scène à la déliquescence progressive de la notion d'héritage, malmenée par des aînés incapables de comprendre leur descendance.

Résultat, si le public de fidèles a été quelque peu dérouté par cette création façon 24 heures chrono (l'intrigue se situe dans une sorte de cellule antiterroriste), Mouawad a encore gagné son coup en montrant sa capacité à réconcilier le théâtre et les grands thèmes contemporains, mais sans forcément y adjoindre de propos strictement politiques. La marque de fabrique Mouawad en somme.

LITTORAL
Les 18 et 19 novembre à l'Hexagone (Meylan)

CIELS
Du 2 au 6 mars 2010 à la MC2

LE SANG DES PROMESSES (TRILOGIE)
Les 19 et 20 décembre à Chambéry. Départs en car prévus depuis l'Hexagone et la MC2. Renseignements auprès des deux théâtres.


<< article précédent
L'Armée du crime