Dites OUI à la rentrée


OUI, centre d'art contemporain ouvert en 2007 par l'association AAA, nous invite à vivre en ce mois de septembre une expérience artistique fort plaisante. L'ancien garage, transformé en espace d'exposition volontairement privé d'électricité, devient le terrain de jeu de l'artiste estonienne Triin Tamm. Lettres négligemment posées sur un bureau d'écolier, immense « liste de choses à faire » peinte sur l'un des murs, photos et négatifs à consulter, puzzle à résoudre… la liberté du spectateur est palpable. Elle déroute, interpelle, et se matérialise au fil de la visite par l'aisance progressive à manipuler les objets, familiers et rassurants, qui se font œuvre sous nos doigts. Car l'artiste, manifestement attirée par le potentiel sémantique de la simplicité du quotidien, fait du détournement de sens un élément essentiel de l'exposition en organisant un passage d'interprétation. Agençant à sa guise les bureaux d'écoliers et de votes prêtés par la mairie, les feutres, crayons et autres correcteurs, elle annihile leur première raison d'être, toute utile, pour la muer en interrogation absolue. Eloge de l'inutile, incitation au jeu… le travail de Triin Tamm transcende l'idéologie dada en proposant l'appropriation du commun, en insistant sur la part active d'un public qui, au-delà de reconnaître, redéfinit pour redécouvrir. C'est son regard, offert sans narcissisme aucun, qui est invitation à l'activation du nôtre par l'intermédiaire de l'œuvre. L'insignifiant, alors modulable, prend forme. Et l'idée selon laquelle le regard sur une œuvre est lutte devient une évidence, faisant du « staring contest » à partager au centre de l'exposition l'ultime affirmation de ce principe et le clin d'œil d'une artiste dont l'audace enchante.Laetitia GiryRétrospectiveJusqu'au 11 octobre, à OUI


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