Une idée du théâtre

A quelques jours de présenter Tour Babel au public, Bruno Thircuir revient avec nous sur les partis pris de cette aventure pluridisciplinaire, représentation allégorique de nos rapports au monde. Propos recueillis par François Cau


Petit Bulletin : Une scénographie hors normes, des circassiens, des comédiens amateurs… Cette création est un sacré défi…
Bruno Thircuir : Je ne crois pas avoir besoin de sursaut de motivation. Par contre, l'ambition d'écrire un spectacle autrement, de dire le quotidien d'une autre façon, là, oui. Raconter l'espace urbain, sa démesure, sa violence, ses amours, ses confrontations des corps… J'assume même maintenant l'idée d'être un conteur plus qu'un homme de théâtre. Je voulais raconter la ville telle que je la vois, avec différents médias, différents interprètes. Ils sont ce que Bruno Dumont cherche quand il fait bosser des amateurs au cinéma, ils amènent une fragilité que ne peut pas apporter un acteur, aussi bon soit-il. Il y a une sincérité qui relève de la mise à nu, sur laquelle je joue réellement, qui me touche. Ce défi de la confrontation, de l'accident jusque dans les difficultés d'énonciation, c'est ce que je cherchais, c'est ce qui raconte le projet lui-même. Le travail de la Fabrique des petites utopies se situe plus que jamais en marge des circuits théâtraux traditionnels…
Oui, c'est une forme d'irrespect de ce qui est attendu de la part d'un niveau scène nationale où l'on va de temps en temps, avec tout ce que ça a de fragile et qui moi me raconte le monde. Par exemple, la fragilité de notre conversation, quand tu l'auras bien nettoyée et mise en page, va perdre tout ce qu'elle a d'essentiel. Je tente des spectacles qui soient au plus proche de notre difficulté à raconter le monde, et du coup à le comprendre. C'est aussi une façon de faire découvrir la matière théâtrale à un nouveau public ?
Je ne sais pas, peut-être. La seule chose que je tente, c'est de raconter le monde avec la plus grande sincérité possible. Evoquer ce Babel que j'éprouve sans arrêt, que je sois dans un train, à l'étranger, dans une cage d'escalier. A partir de là, ça entraîne des juxtapositions esthétiques, graphiques, même si après je peux foutre un coup de patine. Le monde est fait de ces choses incroyablement juxtaposées, que le théâtre peut lisser au point d'en faire une carte postale pour bobo. Mais après je ne travaille pas contre non plus ; quand il s'agit de se demander comment raconter la vie d'un quartier au cœur de la ville, c'était quand même une série d'évidences : un chapiteau dont on conçoit la forme, des numéros de cirque qui n'en seront pas vraiment du fait de leur intégration complète à la dramaturgie, et après on bosse, sans se poser de limites. Tour Babel
Vendredi 2 et lundi 5 à 20h, samedi 3 octobre à 18h30, place du Colombier (Voiron)


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