En vert et contre tous

Armés d'un bloc-notes en papier recyclable et d'un pantalon en toile de lin biologique, on est montés en tram sur le campus voir si le vert y était fluo, pomme ou plutôt pâle. Réponse mitigée. Aurélien Martinez


Pour quelqu'un qui débarque sur le campus grenoblois, le choc peut être rude : des grands bâtiments grisâtres rappelant des années où les architectes tentaient avec bonheur le tout béton, des parking ici et là remplis de voitures plus très fraîches, aucune poubelle pour le tri sélectif disponible ; mais des espaces verts conséquents, de nombreux transports en commun reliés à la fac, quelques panneaux solaires sur un toit… Le paradoxe saute aux yeux : on devine que le campus, vieux de cinquante ans, n'a pas été imaginé en priorité pour être écolo, mais que certains essaient tant bien que mal d'y remédier à l'heure où celui qui ne pense pas vert risque bien de finir totalement has-been. Parmi les têtes chercheuses écolos actives, on note une armada d'étudiants qui, par leurs différentes actions, espèrent bien faire évoluer les mentalités. En première ligne, agrégat de nombreuses initiatives, le syndicat Fac Verte, présenté par ses détracteurs (notamment certains de ses concurrents) comme une masse informe d'écolos bornés coupés des réalités étudiantes. Eux s'en défendent, évidemment, assurant que « tant que l'on peut mettre de l'environnement, on en met, mais on ne dira pas par exemple qu'il faut du bio à tout prix dans les restaurants universitaires si le prix du repas doit doubler » explique Jérôme, l'un des représentants. Il évoque ainsi une « écologie politique, où les questions environnementales sont indissociables des questions sociales ». Pour eux, le jugement sur la fac est sans appel : même s'ils reconnaissent des avancées (ils nous parlent du plan vert mis en place à l'université Joseph Fourier, en partenariat avec la junior entreprise du Département géographie), la volonté serait absente. Un exemple, cité par Davy (un autre membre du syndicat) : le plan campus décidé par le gouvernement, qui permet d'allouer des crédits supplémentaires à dix sites sélectionnés (dont Grenoble) en faveur de l'immobilier universitaire. « Les choix sont axés sur le neuf et beau, quitte à laisser des bâtiments mal isolés faire leur temps et polluer l'environnement » (même si le Plan Campus prévoit des rénovations obligatoires). Car le principal problème du campus vient de là : les anciennes constructions ne répondent plus du tout au normes environnementales actuelles. Certains étudiants mentionnent des salles de cours où, ne pouvant pas arrêter le chauffage, ils sont contraints d'ouvrir les fenêtres pour avoir moins chaud. Mais il y a aussi des problèmes de bonnes volontés : Davy nous cite l'exemple de l'UFR de physique qu'il voit sans cesse allumé, « même en pleine nuit ».

« Un modèle »

Bien sûr, loin de nous l'idée de tomber dans le pessimisme à outrance, car tout n'est pas gris sur le campus. Niveau transports, c'est même plutôt bon. Avec l'arrivée du tram au début des années 90, des parkings ont été détruits, remplacés par des nouveaux bâtiments (Maison des langues, IAE, Maison des sciences de l'homme…). Une seconde ligne relie le centre au campus depuis trois ans. On note aussi un réseau conséquent de bus, souvent bondés. Sur l'alimentation, quelques pistes sont explorées, notamment par le Crous : une des salles du resto U Barnave propose un menu en partie bio pour le même prix qu'un repas normal. Les facs elles-mêmes jouent le jeu (même si pas mal d'acteurs étudiants dénoncent un manque de moyens) : une personne s'occupe de ces questions dans chaque université (voir interview de Pierre Kermen). Pour ainsi conforter nos raisons d'espérer en l'avenir, on part du côté de l'Espace vie étudiante, inauguré en 2003, et devenu au fil du temps le fer de lance de l'écologie pratique sur le campus. On y rencontre Olivier Royer, le directeur des lieux qui essaie d'en faire « un modèle », malgré les défauts initiaux de la construction, « pas prévue pour l'ambition que l'association projette en elle ». Aujourd'hui, Eve consomme 8000 euros annuels en électricité, et 12000 en chauffage : « beaucoup trop ». Alors des initiatives sont menées, en concertation avec des étudiants. L'association l'Effet papillon a ainsi installé en 2007 des panneaux solaires sur le toit du bâtiment. Le bar fonctionne avec des gobelets consignés et réutilisables, le café est équitable et écolo… Olivier Royer souhaite aussi rejoindre l'opération Display menée par l'UE, qui donne des recommandations aux structures pour améliorer leur bilan carbone (« le nôtre est encore beaucoup trop élevé »). Et pourquoi pas ouvrir l'année prochaine, en partenariat avec une association de réinsertion, un point restauration pour proposer aux étudiants des produits bio et locaux. En espérant créer un véritable effet boule de neige verte sur le long terme.


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