De l'importance de l'humilité

Artiste polymorphe à la modestie appréciable, Olivier Mosset est le pivot de l'exposition très attendue du Magasin. Laetitia Giry


Ne pas attendre d'Olivier Mosset qu'il s'attribue un mérite revenant à quelqu'un d'autre. Quand on lui demande ce qu'il pense du principe de l'exposition (pour mémoire, l'hommage est rendu par l'intermédiaire des œuvres qu'il a aimées, des artistes qu'il a soutenus), il nous répond simplement que «l'exposition du Magasin CNAC est l'idée d'Yves Aupetitallot [directeur de la structure]. C'est son idée, on verra ce que cela va donner». Dédain, distance un brin prétentieuse ? Sans doute pas. L'artiste ne pose pas, il est fort d'une attitude simple et dénuée de tout calcul. Car son enthousiasme se manifeste quand il s'agit concrètement du lieu et de la disposition des œuvres : «l'espace du Magasin est magnifique. C'est un peu à cause de ce qu'est cet espace qu'on a demandé à des artistes dont j'avais des travaux de faire des peintures murales (Lang/Baumann, Christian Robert-Tissot), d'autres projets (Louise Lawler, Lily van der Stokker) faisaient partie de la "collection"». Une exposition sur mesure…L'art et la manière
La liste de noms des artistes dont il possède des œuvres est très impressionnante : état de fait qui, quand on l'évoque, loin de le troubler, met en évidence l'humilité du personnage. «Cette liste est assez grande. Je suppose qu'aujourd'hui il y a un nombre d'artistes assez impressionnant. Je ne me sens pas spécialement fier d'avoir acquis quelque chose. D'ailleurs je ne possède plus la plus grande partie de ces œuvres puisque je les ai données, principalement au Musée de la Chaux-de-Fonds [en Suisse]». L'ampleur de sa collection tiendrait à la richesse de l'offre artistique. L'on sait pourtant qu'elle résulte aussi du regard particulièrement pertinent d'un artiste actif et généreux. Devenu collectionneur «par accident», d'après ses propres dires, sa collection s'en trouve plus sensible et personnelle que les collections de mécènes. «En effet je connais la plupart de ces artistes, et ces œuvres sont souvent de petites choses, ce qui en fait un ensemble un peu intime […] Je suis content d'avoir certaines œuvres d'amis ou d'artistes qui ne sont plus là». Olivier Mosset, collectionneur de l'intime qui réinvente ce statut avec humanité, tout en étant conscient de la réalité : «enfin, aujourd'hui cela devient institutionnel». La valeur des œuvres et leur contexte d'acquisition varient pour chaque cas, seules la mesure et le pragmatisme de l'artiste restent inchangés. «La pièce de Stéphane Kropf est celle d'un étudiant. Je faisais un workshop à l'Ecole d'Art de Lausanne. On parlait du marché, et comme il me demandait quel prix donner à un travail, je lui ai demandé quel était le prix d'un des siens, 10 000 m'a-t-il dit, j'ai dit que cela me semblait cher, il a dit 5000, je n'ai rien dit, 1000 alors? Je l'ai acheté».Rebelle pacifique
Longue chevelure, barbe raisonnablement imposante et moue caractéristique, aucun doute n'est possible : Olivier Mosset est un biker. Le titre de l'exposition était comme un indice… Et sa façon d'en parler pudique et authentique. «L'histoire de mon rapport à la moto est une longue histoire, une histoire d'amitiés, d'aventures et de beaux objets». Deux Harley - dont celle de Steve McQueen - trôneront dans l'espace d'entrée du Magasin appelé « la rue »… Renversant ! Quand on évoque le rapport éventuel entre la liberté offerte par la moto et la création artistique, l'artiste répond qu'«il doit en effet y avoir cette sensation de liberté. Mais dans l'art contemporain, aujourd'hui, également, on peut presque faire tout ce que l'on veut». Oui, au Petit Bulletin on est bien renseignés… Et si l'on savait qu'Olivier Mosset avait mangé la boîte de soupe Campbell de Warhol dès qu'elle avait été en sa possession, on ignorait bien quel goût la célébrité lui avait donné ! La réponse a été comme un choc pour notre conscience artistique, on vous laisse l'apprécier… «Je ne me souviens plus du goût de cette soupe (à la tomate). Je suppose qu'elle avait le même goût qu'une soupe en boîte d'aujourd'hui. Mais comme dit Warhol, le goût du Coca-Cola que boit le président des Etats-Unis est le même que celui que vous buvez».Portrait de l'artiste en motocycliste
Jusqu'au 3 janvier 2010, au CNAC-Le Magasin


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